Le capteur Foveon, cet ovni méconnu de la photographie numérique

Aujourd’hui, le photographe Guillaume Wilmin partage avec nous sa passion pour les capteurs Foveon (Sigma Merill et Quattro) qu’il utilise en reportages photo depuis maintenant plusieurs années, avec leurs avantages et leurs limites.


Les appareils utilisant les capteurs atypiques depuis 2000 sont la propriété de la société Sigma, qui possède une gamme d’appareils compacts experts à focale fixe: les DP. Sigma et Foveon ont voulu proposer une nouvelle dimension de la photographie.

Avant d’aborder plus en détail le capteur Foveon, voici un rapide rappel technique.

Il existe aujourd’hui trois technologies de capteur :

  • Les capteurs à Matrice de Bayer (plus communément utilisés dans les appareils photo numériques)
  • Les capteurs à matrice aléatoire (brevet de Fujifilm avec le capteur X-Trans)
  • Les capteurs Foveon (Sigma Corp.)
La différence entre le capteur à matrice de Bayer et le capteur Foveon / Source Sigma
La différence entre le capteur à matrice de Bayer et le capteur Foveon / Source Sigma

Comme on peut le voir sur le schéma de gauche, le capteur Foveon capture les trois couleurs primaires sur chaque couche. Le capteur à matrice de Bayer quant à lui, interprète les couleurs, car elles ne sont pas capturées de manière égale. Par conséquent, l’image est plus riche en détails et en couleurs chez Sigma.

Avec le capteur Foveon, il n’y a pas de filtre passe-bas ou filtre antialiasing qui a pour fonction de micro-flouter les hautes fréquences de l’image pour corriger les interférences (le moiré présent dans les structures répétitives) de la matrice de Bayer, ce qui a pour conséquence de réduire le piqué dans l’image.

Il est vrai qu’aujourd’hui la plupart des capteurs chez Sony, Nikon et Sigma n’ont plus de filtre passe-bas (quand à Canon seul le 5DsR en est dépourvu). La généralisation de l’absence de ce filtre est aujourd’hui permise de manière logicielle par les processeurs d’images de plus en plus puissants.

Après cette introduction, une question naturelle vous vient à l’esprit: « mais pourquoi ne pas équiper tous les appareils de capteur Foveon s’ils sont si fantastiques ? »

L’utilisation de ce type capteur ne se fait malheureusement pas sans contraintes. La gestion du bruit est catastrophique, et pour ma part je ne dépasse jamais les 100 ISO que ce soit sur la gamme Merill ou Quattro.

Les appareils Sigma DP2 Quattro et Sigma DP2 Merrill
Les appareils Sigma DP2 Quattro et Sigma DP2 Merrill

Mais comme pour la contrainte de la focale fixe, plus vous avez de contraintes à utiliser votre appareil, plus vous améliorez votre approche à l’image, car vous réfléchirez plus à la construction de cette dernière.

Source Imaging ressource
Source Imaging ressource

L’avantage du travail à très faible sensibilité vous permet de tirer le meilleur de la dynamique de votre capteur. Dans le cas des appareils photo Sigma Dp Quattro, le fichier Raw offre 12.8Ev et pour donner un exemple, celui du 5d Mark III plein format de Canon est seulement de 12.5Ev!

On m’a fait remarquer à juste titre que la dynamique moyenne des capteurs plein format est au-dessus de 13Ev néanmoins, pour un capteur APS-C Foveon, rivaliser avec un ténor (vieillissant) comme le 5D mark III est un effort à souligner.

Pour rappel, la dynamique est ce qui vous permet de récupérer des informations dans les hautes ou basses lumières.

Le second inconvénient de ces appareils est l’assistance à la prise de vue : autofocus poussif et aléatoire, autonomie de la batterie, design avant-gardiste (je soupçonne les designers de chez Sigma de s’être inspirés du Batarang de Batman pour la gamme Quattro), et d’une lenteur générale.

Alors, pourquoi utiliser ces appareils ?

La seule réponse que je puisse offrir est en image :

© Guillaume Wilmin
Ma première image – © Guillaume Wilmin

Mon utilisation s’est d’abord portée sur des paysages de rue avec l’utilisation systématique d’un trépied.

© Guillaume Wilmin
© Guillaume Wilmin
© Guillaume Wilmin
© Guillaume Wilmin
© Guillaume Wilmin
© Guillaume Wilmin
© Guillaume Wilmin
© Guillaume Wilmin

Puis rapidement j’ai commencé à intégrer des personnes dans mes images. Et tout naturellement j’ai décidé de l’utiliser en second boîtier lors de mes reportages à l’étranger :

Lors de mon voyage Chine par exemple, j’ai utilisé un 5D Mark III et un DP2 Merill. Rapidement lorsque la situation le permettait j’ai préféré utiliser mon DP2, car en plus d’être très compact et silencieux, le rapport encombrement/qualité est phénoménal :

© Guillaume Wilmin
© Guillaume Wilmin
© Guillaume Wilmin
© Guillaume Wilmin
© Guillaume Wilmin
© Guillaume Wilmin
© Guillaume Wilmin
© Guillaume Wilmin

Avec l’arrivée du DP2 Quattro qui connaît une amélioration considérable de l’AF et de la réactivité en général, j’ai décidé de l’utiliser comme boîtier principal pour la street-photographie :

© Guillaume Wilmin
© Guillaume Wilmin
© Guillaume Wilmin
© Guillaume Wilmin
© Guillaume Wilmin
© Guillaume Wilmin

La qualité d’image est une chose, mais elle oblige à plus de rigueur dans la construction de celle-ci et non l’inverse comme beaucoup aiment à croire.

Il ne faut pas confondre images de qualité et photographie. La photographie est une combinaison subtile de technique et d’émotion.

© Guillaume Wilmin
© Guillaume Wilmin
© Guillaume Wilmin
© Guillaume Wilmin
© Guillaume Wilmin
© Guillaume Wilmin
© Guillaume Wilmin
© Guillaume Wilmin

Pour ce qui est du traitement du fichier Raw, Sigma oblige l’utilisation de son logiciel propriétaire, Sigma Photo Pro : performant, mais très lent.

Sigma Photo Pro
Sigma Photo Pro

Sigma Photo Pro est le logiciel de dérawtisation propriétaire de la marque qui permet d’assembler les différentes couches présentes dans le fichier en .x3f.

Pour ma part, je l’utilise dans sa plus grande simplicité pour dérawtiser le fichier et le convertir en TIFF pour un traitement plus rapide et plus intuitif avec Lightroom. Il est vrai que pour le stockage, environ 350Mo par fichier, cela devient délirant. L’editing est un vrai casse-tête et seules les images exploitables sont importées et post-traitées. Je regrette qu’il n’y ait pas plus d’informations sur ce logiciel, car il très complet. En attendant, les mises à jour continuent d’améliorer considérablement son utilisation et proposeront peut-être une intégration future dans les logiciels de post-traitement d’Adobe.

Je considère ces compacts experts comme des appareils photo « argentique-numérique », car la philosophie de ces appareils est la même que celle que nous pouvons rencontrer avec l’utilisation d’un vieux moyen format argentique.

Personnellement je n’arrive plus à me passer de ce capteur tant mon addiction est forte. J’essaie de plus en plus de produire uniquement mes images avec, même si aujourd’hui je conserve un hybride lors de mes reportages.

Que ce soit en premier boîtier ou second, ils m’accompagnent lors de tous mes déplacements depuis maintenant 4 ans et les améliorations offertes dans les nouvelles gammes ne font que me conforter dans le fait que ces boîtiers auront une place prédominante dans le monde de la photographie.


Merci Guillaume pour cet éclairage sur les capteurs Foveon.

Pour retrouver son travail photographique, notamment à l’aide d’appareils photo Sigma DP2 Quattro et Merrill, rendez-vous sur son site internet.