En jetant un rapide coup d’oeil à ses boîtiers reflex actuels, on peut dire que Nikon aime le plein format. Avec le D750, sorti en septembre 2014, Nikon propose un boîtier reflex 24×36 qui se positionne dans le petit trou créé entre les Nikon D610 et D810. Rapidement devenu l’un des boîtiers les plus appréciés chez Nikon (et souvent parmi les boîtiers professionnels les plus vendus), nous vous proposons un test terrain du D750 qui marque peut-être le retour du fils prodigue du plein format semi-pro.
Avant de commencer ce test, difficile de ne pas aborder le Nikon D700, ce boîtier plein format qui fait office de légende pour de nombreux utilisateurs. Sorti il y a plus de 7 ans, ce boîtier doté d’un capteur 24×36 12 Mpx et d’une robustesse à toute épreuve est encore très bien coté sur le marché de l’occasion, preuve que peu de photographes avaient jusqu’alors trouvé sa relève. La gamme D800 vise trop haut par rapport aux besoins de certains alors que les D600 et D610 n’ont pas exactement ce qui fait un bon boîtier professionnel.
Plus d’un an après la sortie du D750, il semblerait que ce boîtier soit véritablement le fils légitime du D700. Passons au test.
Prise en main et ergonomie
Lors de notre prise en main, le boîtier du D750 nous a semblé vraiment léger. Et ce n’est pas qu’une impression. Sur la balance (sans batterie), il pèse 750g, soit 324g de moins que le D700 et même 10g de moins que le Nikon D610 (760g).
Au niveau ergonomique, il s’agit d’un boîtier reflex professionnel Nikon et ici peu de choses évoluent radicalement, si ce n’est une poignée plus creusée et plus fine par rapport au D700. Cette poignée et son aspect ramassé participent à cette sensation de poids maitrisé, le photographe ayant l’appareil photo bien en main.
Sur le dessus de ce boîtier, le sélecteur de mode PSAM avec verrouillage de sécurité se trouve à gauche, comme sur les boîtiers experts D7100 et D610, alors que les D700, D810 et D4s disposent d’un trèfle sur cette partie, le choix du mode étant disponible via un bouton + molette. Ce choix de la part de Nikon est discutable certes, mais le D750 gagne tout de même deux modes personnalisés U1 et U2 qu’il est possible de configurer pour accéder à des réglages rapides. Le réglage de la balance des blancs et des ISO sont relayés sur la face arrière du boîtier.
Sous la molette de sélecteur de mode, le Nikon D750 dispose des mêmes possibilités de réglage de la cadence (prise de vue unique, rafales, mode silencieux, retardateur et miroir levé).
Pour le reste, l’ergonomie du boîtier est globalement très bonne et après quelques heures d’usage toutes les fonctions tombent bien sous les doigts, sans sortir l’oeil du viseur, sauf peut-être pour régler la valeur ISO. Pour cela, sachez que Nikon permet d’assigner la fonction de réglage ISO au bouton rouge dédié à la vidéo. Si vous ne l’utilisez pas, c’est une petite astuce qui pourrait vous servir.
Comme sur tous les boîtiers professionnels, de nombreux boutons dédiés et personnalisables permettent d’accéder aux fonctions de base, un véritable plaisir tant il est désagréable de devoir fouiller dans les menus pour faire un changement en cours de prise de vue.
Encombrement et finition
En plus d’être plus léger, le boîtier est aussi plus petit que le D700 (140 x 113 x 78 mm au lieu de 147 x 123 x 77 mm) et Nikon a fortement travaillé la miniaturisation et l’arrangement des composants électroniques intérieurs afin de réussir ce tour de force. Il est même plus compact que le reflex expert APS-C D300s ! Mais sa perte de poids est surtout liée à une construction monocoque en alliage de magnésium avec usage la fibre de carbone pour la façade avant, ce qui le rend léger tout en étant assez robuste. Comparé au revêtement en polycarbonate sur châssis en alliage de magnésium du D610, ce boîtier est taillé pour durer.
Son obturateur est indiqué comme bénéficiant d’une durée de vie de 150 000 déclenchements, ce qui devrait convenir même aux fous de la gâchette. Comme sur tous les boîtiers reflex Nikon, un flash intégré permet de dépanner en fill-in et de contrôler des flashs distants.
Avec de nombreux joints d’étanchéité, le Nikon D750 pourra être utilisé sans problème dans des conditions où l’humidité et la poussière sont présentes. Cette année, nous l’avons testé à la montagne, mais il aurait pu sans problème subir le test du D810 en Islande sous une pluie non-stop. Il ne faut simplement pas oublier d’utiliser des objectifs tropicalisés, car sinon l’eau peut rentrer par l’objectif.
La prise en main générale est toujours très bonne sur ce type de boîtier qui jouit ici d’un encombrement et d’un poids très réduit.
Fonctionnalités
Le D750 est le premier boîtier plein format de Nikon à disposer d’un écran orientable. Équipé d’une dalle de 3,2 pouces de 1 229 000 pixels, cet écran s’incline jusqu’à 90° vers le haut et 75° vers le bas. Cela permet de réaliser des photos de plongée ou contre plongée tout en gardant un œil sur le résultat en mode Live View.
Cet écran lui donne un petit air de reflex amateur, mais sa construction est de très bonne qualité, sûrement parce qu’il se limite à un mouvement sur un seul axe haut/bas. Impossible donc de l’utiliser pour faire des selfies, mais ce n’est pas vraiment ce que l’on demande à ce type de boîtier.
Par contre, l’écran orientable nous a parfois posé problème pour sortir l’appareil photo d’un sac. Dans certaines configurations, il nous est en effet arrivé d’attraper l’écran avant le boîtier. À noter qu’il n’est également pas possible de le retourner complètement pour le protéger et qu’avec cet écran orientable il n’est pas possible d’utiliser une protection en plastique comme sur les précédents modèles.
Parlons maintenant du viseur du D750. Il offre une couverture à 100% de l’image avec un grossissement de 0,7x, soit une belle évolution par rapport à la couverture de 90% du D700. Il s’agit du même viseur que celui présent sur les D800 et D810. Cependant, le D750 n’offre pas d’oeilleton circulaire, mais utilise le viseur rectangulaire du D610. La version circulaire dispose d’un petit volet refermable qui vient obstruer la lumière venant de l’arrière du boîtier, une fonction utile en cas de pose longue pour éviter les fuites de lumière. L’option existe bel et bien sur le D750, mais il faudra enlever le caoutchouc du viseur et placer le cache en plastique qui se fixe généralement sur la sangle de l’appareil. À l’intérieur du viseur, les informations sont affichées clairement avec un bon contraste, même en pleine journée.
En matière de connectivité, le D750 dispose désormais du WiFi, une nouveauté dans la gamme des boîtiers plein format chez Nikon. Fini le module externe à brancher pour partager ses images via le WiFi ou prendre le contrôle du boîtier (avec retour visuel sur un smartphone par exemple).
Au niveau connectique, le D750 dispose de l’USB 2.0 (pourquoi pas l’USB 3.0), du HDMI non compressé, d’une prise micro et d’une prise casque au format 3.5mm et d’un connecteur pour télécommande filaire. Deux compartiments pour cartes mémoires SD (SDXC UHS-I) sont disponible avec les options classiques de double copie, débordement, RAW sur l’une et JPEG sur l’autre, etc. La prise de synchro flash est absente et si vous souhaitez l’utiliser il vous faudra acheter un adaptateur.
En mode vidéo Live View, le D750 offre une sortie non compressée jusqu’en full HD 60p (avec réglages intermédiaires), exposition manuelle, zebra, un Picture Control uniforme et micro stéréo. Seule la 4K est absente du tableau. En revanche, toujours pas de focus peaking.
Enfin, le Nikon D750 permet de régler l’ISO sur une position automatique – fonction très agréable. Il vous suffit de choisir la plage de valeurs ISO que peut couvrir l’appareil lors de la prise de vue et ce dernier adapte les ISO automatiquement et en prenant en compte une valeur basse pour votre vitesse d’obturation – par exemple si vous ne voulez pas descendre au-dessous de 1/100s. En prime, cela vous permettra de ne pas garder votre boîtier sur une valeur ISO élevée après une séance nocturne et vous en rendre compte seulement après avoir pris une centaine de photos le lendemain en plein soleil à ISO 6400…
Performances et qualité d’image
Passons maintenant aux performances et à la qualité d’image du Nikon D750. Comme nous le disions en introduction, le D750 utilise un nouveau capteur de 24 Mpx, soit deux fois plus de pixels par rapport aux 12 Mpx du D700. Selon Nikon, ce capteur n’est pas le même que celui utilisé dans le D610 ou le Sony A7. Il dispose également d’un filtre passe-bas. 24 Mpx est sûrement la résolution idéale et offre un très bon compromis avec des images bien définies pour un poids de fichier contrôlé.
Des performances de haut vol
Si Nikon a positionné le D750 comme son boîtier plein format semi-pro, il hérite cependant de nombreux composants issus des D810 et D4s. En vidéo, il fait ainsi jeu égal avec le D810 et nos remarques sont donc les mêmes que pour le D810 : full HD jusqu’à 60 fps et dès ISO 64, profil vidéo FLAT, deux micros pour enregistrer en stéréo et fonctions logicielles dédiées aux vidéastes comme le mode zebra.
L’autofocus du D750, le Multicam 3500 FX II, est issu du D810 et du D4s tout en proposant une petite mise à jour. Dans les faits, cet AF à détection de phase doté de 51 collimateurs est très réactif tout en étant plus sensible que les D810/D4s – jusqu’à -3 IL en basse lumière – ce qui permet d’accrocher son sujet même dans des conditions d’éclairage difficiles pour l’oeil humain. Durant nos tests en basse lumière nous avons été convaincus par la vitesse d’autofocus malgré l’obscurité. Par contre, en utilisant le mode Live View, l’AF est moins performant.
Le D750 dispose du mode AF groupé pour fusionner cinq collimateurs adjacents et la mesure de lumière se fait avec une matrice de 91 000 points (tout comme les D810 et D4s, bien plus comparé au D610 qui n’a que 2016 points. Cela permet ainsi d’obtenir des images mieux exposées.
Le processeur utilisé est l’Expeed 4A (une version similaire à celui du D810) et le boîtier dispose d’une plage de sensibilité allant de 100 à 12 800 ISO (extension jusqu’à 51 200 ISO).
Pour la rafale, le boîtier mitraille à 6,5i/s même en RAW, une belle amélioration par rapport aux 5i/s du D700 et aux 6i/s du D610. Seul le D700 doté de son grip permettait d’atteindre les 8i/s.
Pour les amateurs de vitesse, il est important de noter que le boîtier ne va pas au-delà de 1/4000s là où le D700 va jusqu’à 1/8000s. En synchro flash, la vitesse maximum est de 1/200s contre 1/250s pour le D700. Sur ces points, le D700 fait donc toujours mieux que le D750.
Pour rappel, la vitesse de synchronisation flash est la vitesse d’obturation maximale tolérée par le flash, soit celle où le premier rideau de l’obturateur est en bout de course et où le deuxième rideau n’a pas encore commencé la sienne. Si vous allez au-delà, vous verrez une partie de l’image assombrie, comme voilée par… un rideau noir.
En parlant d’obturateur, le bruit du déclenchement, bien que moins sonore que le D810, reste assez bruyant, même en mode Quiet. Si vous souhaitez rester discret, ce boîtier n’est pas pour vous.
Qualité d’images
Pour tester le Nikon D750 sur le terrain, nous l’avons emmené pour une sortie raquette dans les Pyrénées durant une journée d’hiver froide et ensoleillée. Voici quelques photos réalisées avec un 16-35mm f/4 VR. Il s’agit de versions JPEG générées par Lightroom 6 à partir des RAW du boîtier auxquels nous avons appliqué le profil Standard de Nikon.
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Nous avons également testé le boîtier dans des conditions urbaines à Paris la journée avec un 24-70mm f/2.8 et un 50mm f/1.8 :
Comme vous pouvez le voir, le capteur plein format de 24 Mpx permet d’obtenir des images très bien définies. Pour les photos de neige, nous avons volontairement surexposé de 1/3 EV afin d’obtenir une neige bien blanche, car tous les boîtiers sont facilement trompés par la luminosité de la neige et sous-exposent automatiquement un peu la scène.
Le rendu général est très plaisant avec un très bon microcontraste (ou piqué) et surtout une très bonne plage dynamique. Avec 24 Mpx on peut également facilement recadrer son image ou la redresser sans se soucier de la résolution. La balance des blancs est également plutôt bien interprétée par le boîtier en mode auto, même si dans certains cas elle reste perfectible.
Un petit mot sur l’autonomie. Le Nikon D750 utilise la batterie EN-EL15 qui est désormais utilisée par de nombreux boîtiers Nikon : D7100, D600, D610, D800 et D810, rien que cela ! Nikon indique une autonomie de 1230 vues dans des conditions normales. Nous n’avons pas pris autant de photos avec ce boîtier, mais l’autonomie semble correspondre aux chiffres annoncés par Nikon, ce qui est un très bon point.
Une excellente gestion du bruit numérique
Tester le D750 sans l’emmener pour une virée nocturne aurait été une grave erreur de notre part. Le boîtier a une plage ISO native de 100 à 12 800 ISO (extension jusqu’à 51 200 ISO).
Nous avons ainsi testé le boîtier dans des conditions terrain et en très faible lumière et les résultats sont très bons. Même à 3200 ISO, le bruit numérique est encore marginal et on obtient des images très propres.
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À 6400 ISO, l’image est encore parfaitement exploitable, mais on observe une montée du bruit numérique un peu plus importante.
À 12800 ISO, le bruit est bien plus présent et on commence à perdre en contraste.
Mais soyons honnête : à moins de réaliser des agrandissements ou des tirages papiers grand format, le bruit numérique est pour nous tout à fait plaisant, même à 12800 ISO. On est d’ailleurs en présence d’un bruit presque « agréable », car il y a très peu de bruit chromatique qui vient dénaturer le rendu de l’image.
Au-delà, nous sommes dans les valeurs H1 et H2 et pour ces dernières la qualité de l’image se dégrade rapidement (nous n’avons pas pris de photos à ces valeurs). On utilisera ces seuils lorsqu’il faudra véritablement saisir une action en pleine nuit. Avec une retouche et un traitement du bruit numérique, ces images ne sont cependant pas du tout à jeter à la poubelle.
Cette remarque n’est pas seulement liée au D750 : les boîtiers plein format sortis ces deux dernières années chez Nikon ont fait de véritables progrès en termes de gestion du bruit numérique. Ils offrent ainsi de nouvelles opportunités aux photographes souhaitant se passer de flash pour éclairer leur scène, un vrai régal.
Fichiers RAW
À noter que le D750 n’offre pas la possibilité de photographier dans un format RAW plus léger (le sRaw) comme le propose le D810. Mais ce besoin ne se fait pas ressentir, car les fichiers RAWs du D750 sont bien plus légers (environ 25 Mo).
A quel photographe s’adresse le Nikon D750 ?
Le Nikon D750 est un reflex 24×36 polyvalent et performant qui s’adapte à de nombreuses conditions. Malgré tout, il a été positionné par Nikon entre deux boîtiers également très performants : les Nikon D610 et D810. Pour Nikon, ce dernier est un appareil photo « rapide, polyvalent et réactif ». Et nous sommes d’accord sur ce point.
Si vous recherchez une définition d’image à crever le plafond dans un boîtier full frame, le Nikon D810 est le spécialiste. Comme nous le disions en conclusion de notre test, ce boîtier « s’adresse aux photographes exigeants et à la recherche de la qualité optimale ».
Avec le Nikon D750, vous bénéficiez cependant de très nombreuses fonctionnalités présentes sur le D810 et mis à part un capteur sans filtre passe-bas de 36 Mpx, il n’y a honnêtement que très peu de choses que le D750 ne puisse pas faire, si ce n’est sa synchro flash et sa vitesse d’obturation max plus basse. En bref, vous disposez de la qualité et du savoir-faire des D4s et D810 dans un boîtier moins cher et plus transportable.
Enfin, si le D610 est censé être le boîtier plein format « abordable » de Nikon, aujourd’hui la différence de prix entre les deux boîtiers nus est de 700€. C’est à la fois beaucoup et peu lorsque l’on voit que le D750 dispose du WiFi, d’un écran orientable, d’une meilleure montée en ISO, d’une meilleure autonomie, tout cela pour un poids moindre.
Ce D750 est pour nous le boîtier idéal pour un photographe qui souhaite faire du reportage, de la photo de paysage, un peu de studio de temps en temps, etc., et bénéficier de la qualité et du confort du plein format. Il s’agit sûrement du juste équilibre trouvé avec le Nikon D700 et que Nikon semble avoir retrouvé, 7 ans après, avec le Nikon D750.
Le Nikon D750, boîtier reflex performant et digne successeur du D700
En sortant le D750, Nikon avait la lourde tâche de proposer un boîtier reflex plein format capable de succéder au D700, ce boîtier de légende utilisé par toute une génération de photographes experts et pros.
Verdict ? Vous l’aurez compris, nous sommes séduits par le D750 qui est un reflex plein format performant, équilibré et léger.
Nikon nous propose avec le D750 le boîtier de la maturité. C’est comme si le constructeur avait frappé trop haut avec le D810, puis trop bas avec le D610, avant de trouver le juste milieu avec le D750.
Malgré tout, si nous sommes enthousiastes sur les performances et la qualité d’image de ce boîtier, il lui manque un peu d’espièglerie et d’audace pour faire un sans faute, car son chemin était tout tracé par les boîtiers précédemment sortis. Réalisé à partir des pièces de ses ainés, il aurait pu proposer plus d’innovations qu’un simple nouveau capteur, le WiFi et un écran orientable.
Disponible nu aux environs de 2000 €, il est cependant certain que nous entendrons parler pendant de nombreuses années du D750, comme ce fût le cas avec le D700.