Astrophotographie : pourquoi je ne choisirai pas le Nikon D810A pour mes étoiles

Bastien Foucher, astrophotographe que nous avions interviewé sur Phototrend, revient pour vous sur l’annonce du Nikon D810A. Et ce boîtier n’a pas l’air de l’avoir séduit.

Nikon vient d’annoncer le D810A, un boîtier reflex plein format dédié aux astrophotographes qui sera vendu au prix de 3699€. Il reprend le même capteur et l’ensemble des caractéristiques du Nikon D810.

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Toutefois, pour 500€ de plus par rapport au D810 (lire le test terrain de Phototrend en Islande), de légères modifications sont apportées pour répondre aux besoins de base des astrophotographes : il est possible de faire des poses longues sans télécommande de 15min (900 sec) et le filtre IR-Cut placé devant le capteur de l’appareil photo été remplacé par un filtre spécifique aux besoins de la photographie d’astronomie.

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En effet, les filtres IR-Cut placés devant tous les capteurs d’appareil photo (reflex ou non) coupent en grande partie les longueurs d’onde rouges (raie Hα) émises par les grandes nébuleuses du ciel étoilé. Sans ce filtre, le capteur de votre appareil enregistrerait des couleurs que votre œil ne peut pas percevoir : les photos ne correspondraient donc pas à la « réalité ».

© Bastien Foucher - NGC 1499, la nébuleuse Californie
© Bastien Foucher – NGC 1499, la nébuleuse Californie

Par exemple, cette nébuleuse très rouge ne peut être prise en photo qu’avec un boitier modifié.

Les astrophotographes changent donc ce filtre pour le remplacer par un autre, spécialisé pour l’astronomie, à bande passante plus large. On gagne ainsi en sensibilité sur ces objets très faibles, nécessitant plusieurs heures de poses.

Cette modification ne date cependant pas d’hier. Il y a plus de 10 ans, Canon sortait le très cher 20D « a ». Ils ont en ce moment un 60D « a » au catalogue, sorti il y a 3 ans, qui est tout aussi cher pour ce qu’il fait.

Ces reflex dédiés n’ont d’ailleurs jamais eu de succès, car des sociétés se proposent depuis très longtemps de modifier n’importe quel reflex du marché. Il en coûte entre 200 et 500€, ce qui sera au final bien moins cher qu’un boîtier dédié.

L’objectif de Nikon est sans doute de redorer son blason auprès de la communauté des astrophotographes, historiquement équipée en appareils Canon. La raison est simple : les reflex Canon (depuis le tout premier 300D) ont toujours produit de vrais fichiers RAW, non compressés et non anti-bruités, contrairement à la pratique de Nikon. Les temps ont peut-être changé et Nikon cherche à le faire savoir.

Malheureusement, il me semble que le produit que nous présente Nikon ne répond pas aux besoins des astrophotographes. D’une part car les 36Mp de son capteur sont trop petits et donc pas assez sensibles, et d’autre part car son prix est démesuré, le rendant bien supérieur à un reflex standard que vous feriez modifier.

© Bastien Foucher - Barnard 33, la nébuleuse de la tête de cheval
© Bastien Foucher – Barnard 33, la nébuleuse de la tête de cheval

Si vous cherchez à vous lancer dans l’astrophotographie sans caméra « scientifique » (CCD), orientez-vous plutôt vers un Sony A7s modifié (capteur 24×36 aussi, mais avec 12 millions de gros pixels très sensibles), qui sera presque 1000€ moins cher et diablement plus efficace… Vous pourrez en plus l’utiliser avec des optiques d’une autre marque à l’aide d’une bague d’adaptation.

Si vous voulez découvrir le travail de Bastien, vous pouvez le retrouver sur son site web ainsi que sur Facebook.

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  1. bonjour a tous,

    J’ai le avec grand intérêt votre article, très intéressant malgré que je ne suis aucunement astrophotographe.
    Photographe amatrice urbain, architecture… Et très intéressée de passer au full frame NIKON D810.
    Ce qui m’interpelle et me surprend est cette petite phrase aussi bien placée qu’etonnante « Les reflex CANON ont toujours produit de vrais fichiers RAW, non compressés et non anti-bruitės, contrairement à la pratique de NIKON »
    Malgré mes différentes lectures de critiques négatives et positives de rouge et de jaune sans parti pris, je n’ai jamais relevé ce point !!!!

  2. Bonjour Thoury,

    Merci pour votre message. Vous trouverez plus d’explications à propos des problèmes occasionnés par les fichiers RAW Nikon en astrophotographie ici :
    http://www.astrosurf.com/buil/nikon_test/test.htm

    Comme je l’ai écrit, la pratique de Nikon a peut-être changé, il faudrait faire de nouvelles mesures.

    Ceci dit, pour de la photo de Voie Lactée à très grand champ (faible focale), un boîtier Nikon fera très bien son boulot malgré ce problème, problème qui devient uniquement génant pour l’astrophotographie à plus longues focales.

    Bastien

  3. La réduction du bruit sur les poses longues se désactive me semble-t-il sur mon D800.
    Et les petits pixels peu sensible par rapport aux gros pixels sensibles, il me semble aussi que ce n’est plus d’actualité. La technologie évolue …
    Il faudrait peut-être l’essayer ce boitier 😉

      1. Oui, mais apparemment le D810A fait beaucoup mieux que le D810 en haut ISO (voir les images du site nikonrumors, p ex). Donc attention à ne pas tirer de conclusions prématurées. Je trouve étonnant de juger un boîtier sans même l’avoir essayé.

  4. Un article bien catégorique pour une réponse certainement pas aussi simple à donner. Le A7s a la sensibilité avec lui (+1/3 IL) mais ne compte que 12MP. L’image produite par le D810 sera plus piquée.

  5. Pas forcémment plus piquée. L’échantillonnage entre en jeu. En gros l’ouverture d’un objectif doit êre inférieure à 0,4 x la taille des photosites exprimée en µm. Sinon on sous échantillonne et on ne gagne plus rien en piqué.

    Ainsi, pour le D810a et ses photosites de 4.88 µm, l’ouverture max d’un objectif, quelle que soit sa focale, doit être inférieure à 2.0 ce qui limite énormément les objectifs utilisables et impose, à de telles ouvertures, des objectifs très haut de gamme, surtout pour un capteur plein format.

    En comparaison, le A7s a des photosites de 8.4µm, ce qui autorise l’emploi d’objectifs ouverts à 3.4, bien plus faciles à se procurer.

    En astrophotographie, ce n’est pas le nombre de pixels qui compte, mais leur capacité à ne pas noyer les photons captés dans le bruit électronique ou thermique. Les gros photosites ont donc un énorme avantage sur les petits. Comme en plus on empile plusieurs photos pour en faire une, on peut augmenter la résolution (méthode de drizzling).

    Bref, je suis tout à fait d’accord avec Damien, ce boitier était un très mauvais choix de la part de Nikon. Ils auraient du choisir un boitier avec moins de pixels (12-15 MPix), moins cher, et surtout mettre un capteur N&B au lieu d’un capteur couleur, et peut être même installer un système de thermorégulation du capteur. Là, les astrophotographes se seraient vraiment interessés au boitier…

    Fred

    1. Un photosite parti en vrille, ça se repère plus facilement avec un échantillonnage élevé ; sinon soit tu fais des étoiles artificielles, soit tu es obligé de diminuer la résolution à des niveaux inacceptables. Quelque chose me dit qu’avant de lancer le boitier ils ont dû faire les tests avec un capteur de D4/Df et un capteur de D800/810, et tirer leurs conclusions. Mais ils sont peut-être abrutis chez Nikon…