Grâce à la donation sans commune mesure de Stéphane André, collectionneur passionné d’Araki Nobuyoshi, le musée Guimet consacre aux mille Polaroïds du photographe japonais une exposition singulière du 1er octobre au 12 janvier prochain. Plus qu’une simple présentation, POLARAKI se vit comme une immersion dans une collection habitée, où l’intime et l’universel se rejoignent.
Sommaire
Une collection monolithique
Pendant 25 ans, Stéphane André a rassemblé près d’un millier de Polaroïds d’Araki dans l’écrin de son appartement parisien, avant d’en faire intégralement don au Musée Guimet.




Contrairement à une monographie ou à une sélection raisonnée, l’exposition restitue ce cabinet de curiosité photographique tel qu’il fut constitué. L’accrochage, monumental, respecte l’esprit de cette collection brute : 43 colonnes de 9 cadres reconstituant le foisonnement méthodique de l’œuvre d’Araki en 906 tirages pris de 1997 à 2024.
Des cadres vacants soulignent le désir de deux des modèles de ne pas apparaitre. Du sol au plafond, c’est autant la passion d’un collectionneur que l’obsession d’un photographe qui transparaît.
L’évidence des rapprochements
Le Polaroïd, médium intime, qui pour le collectionneur éclot au creux de la main, devient sous l’œil d’Araki un journal visuel, un univers en extension. Ses images, mises en rapport par le photographe pour moitié, par son collectionneur pour les autres, dialoguent entre elles pour tisser un sens nouveau.


Fleurs et femmes, ciel et nourriture : les analogies se multiplient, créant autant de flux métaphoriques. La femme enclose dans les cordes pour mieux éclore (le bondage – kinbaku étant un thème récurrent chez Araki), la fleur-corps… Araki explore tout le spectre des émotions humaines, de la joie à la mélancolie, de la tendresse au désir.


Les polaroids d’Araki ne représentent pas seulement des fleurs à foison. Ils sont des fleurs. La photographie Polaroïd, c’est l’éclore. Mais contrairement aux fleurs, et contrairement à sa réputation artificiellement entretenue, sa fraicheur est inaltérable.
Stéphane André


Une scénographie riche de sens
L’exposition résonne avec l’extension des propositions photographiques du musée, où vient de s’achever l’exposition de Mickael Kenna.
En 2016 une première exposition était consacrée à Araki, la série requiem Tombeau Tokyo en signait la fin. Du soul sol au 7e ciel, les symboles sont omniprésents. La configuration circulaire de la rotonde se prête aujourd’hui à une scénographie immersive : un paradis du Polaroïd, présenté comme une première et une dernière, avant transformation de l’espace.




Le commissariat de POLARAKI insiste sur cette volonté de « joindre le commencement et la fin », soulignant le caractère unique et éphémère du médium.
Araki, expérimentateur
Si l’œuvre prolifique d’Araki est souvent réduite à quelques thématiques et obsessions, bien souvent sulfureuses – amour, sexe, nourriture, mort, fleurs – elle témoigne aussi d’une exploration constante de son médium. Dans les années 1990 déjà, sa pratique du Polaroïd anticipait notre rapport contemporain à l’image instantanée.


Des œuvres plus récentes, 2 diapositives d’origines d’un diptyques Hana Kinbaku prises dans la résine mais aussi l’altération des images, découpées ou raboutées par l’artiste, renouvellent encore l’unicité de ces photographies à développement instantané.
Entre désir et répulsion, proximité et distance, POLARAKI restitue la puissance de cet appétit photographique vorace. Une exposition réservée aux plus de 18 ans, qui conjugue l’intime et le collectif, l’éphémère et la permanence en 1 000 instantanés sous le ciel de Paris, jusqu’au tournis.


Informations pratiques :
Polaraki, mille Polaroïds d’Araki Nobuyoshi
Guimet, Musée national des arts asiatiques
du 1er octobre au 12 janvier 2025
6 place d’Iéna, 75016 Paris
Tous les jours sauf le mardi, de 10h à 18h
Tarif plein 13€, tarif réduit 10€
En raison de leur caractère sexuellement explicite, certaines photographies présentées dans l’exposition sont susceptibles de choquer certains publics. L’accès à la rotonde est interdit aux moins de 18 ans