© Jens Ziehe

Rien ne nous y préparait : Wolfgang Tillmans au centre Pompidou

Quelques semaines avant sa fermeture pour travaux, le Centre Pompidou présente une exposition inédite de Wolfgang Tillmans. L’artiste allemand occupe tout le niveau 2, soit 6000 m², pour une rétrospective impressionnante jusqu’au 22 septembre 2025. L’exposition se distingue par son absence de logique chronologique et son interaction unique avec l’espace de la Bibliothèque publique d’information (Bpi).

Espèce d’espace

On le sait – et c’est d’ailleurs un des éléments de communication de l’exposition –, le Centre Pompidou fermera ses portes en septembre pour au moins cinq ans de travaux. Déjà, il y a quelques semaines, l’étage de la Bibliothèque publique d’information (Bpi) fermait, laissant démunis de nombreux étudiants, chercheurs et personnes avides de fonds et de lieux pour travailler. Mais à partir du 13 juin et jusqu’au 22 septembre 2025, la Bpi rouvre ses portes pour une transformation inédite dans l’histoire du Centre.

© Jens Ziehe

Quasiment tous les rangs de chaises, de tables et de rayonnages ont disparu. Plus que jamais, Wolfgang Tillmans et les commissaires de l’exposition se sont amusés avec l’espace que propose un lieu, en l’occurrence la Bpi, en grande partie avec les tirages des photographies de l’artiste, mais aussi avec des objets personnels, des collages inédits ou des produits dérivés de ses photographies – couvertures d’albums, de livres, etc.

© Jens Ziehe

Certains rayonnages servent ainsi à accrocher des tirages ; on peut retrouver une ou deux photographies scotchées directement sur une sortie de secours… La mise en espace particulière de cette exposition met en avant tous les rapprochements qu’on peut faire entre le travail de Wolfgang Tillmans et les notions de savoir, de transmission, et de répétition.

© Jens Ziehe

L’exposition, sans parcours fléché, favorise la déambulation libre. Les photographies de Tillmans se répètent sous diverses formes : tantôt en grand format, tantôt en petit tirage scotché au mur, ou encore sur des pochettes de vinyle familières. Que l’on connaisse ou non son travail, ses images reviennent, révélant souvent avec surprise que des portraits d’artistes célèbres sont signés Wolfgang Tillmans.

Issue de secours © Baptiste Thery-Guilbert

La traversée d’une œuvre

Le titre de l’exposition, « Rien ne nous y préparait, tout nous y préparait », peut presque se voir comme le résumé d’une génération, l’aperçu d’une époque où les libertés et les progrès sociaux durement gagnés après des luttes acharnées connaissent un retour de bâton d’une grande intensité. Tout le long de sa carrière, Wolfgang Tillmans a su saisir sa contemporanéité en repoussant les limites du visible, et avec un regard d’une grande modernité.

The State We’re In, A, 2015 © Courtesy Galerie Buchholz, Galerie Chantal Crousel, Paris, Maureen Paley, London, David Zwirner, New York

La singularité des photographies de Wolfgang Tillmans réside sans doute dans le fait qu’on ne puisse pas véritablement le reconnaître. Non pas que ses images ne témoignent pas d’un regard subjectif ; mais plutôt qu’il a su mieux que personne s’imprégner de l’esthétique de son époque et la laisser transparaître ; qu’il a su aussi s’adapter aux changements esthétiques apportés par l’arrivée du numérique.

Là où on peut reconnaître sa patte, c’est probablement dans sa façon de faire cadre, de composer ses images souvent sens dessus dessous, jusqu’à parfois troubler notre manière d’appréhender ses photographies – il faut quelques secondes pour comprendre quelle partie d’un corps on regarde.

Repousser les frontières du visible, avec Wolfgang Tillmans, peut s’incarner dans ses premiers travaux au flash, typiques de la contre-culture des années 1990, jusqu’à des travaux plus récents à partir de collages, de distorsions numériques ou d’observations astronomiques.

© Jens Ziehe

Si loin, si proche… voir ce qui nous entoure peut être si complexe. Les photographes endossent parfois ce rôle-là, sinon cette fonction ; et il arrive qu’ils le fassent avec brio. Wolfgang Tillmans, plus que le simple reflet de son époque, plus qu’un témoin de sa vie, a toujours dirigé son regard et son objectif vers l’ailleurs, vers l’autre, vers la possibilité d’une coexistence entre individus radicalement opposés.

© Jens Ziehe

S’il s’inquiète de l’actualité récente, ses séries de portraits et de photographies de gens qui s’aiment – sans doute ses travaux les plus beaux et les plus émouvants – disent bien qu’on peut façonner autre chose, une autre réalité, à contre-courant, toujours.

Echo Beach, 2017 © Courtesy Galerie Buchholz, Galerie Chantal Crousel, Paris, Maureen Paley, London, David Zwirner, New York

Informations pratiques :
Rien ne nous y préparait, tout nous y préparait, Wolfgang Tillmans
Centre Pompidou, niveau 2
Du 13 juin au 22 septembre 2025
Place Georges Pompidou, 75004 Paris
Tous les jours de 11h à 21h, sauf le mardi
Tarif : 17 € (réduit : 14 €)