Robert Doisneau, instants données : un retour majeur à Paris

Après des années d’absence dans la programmation muséale parisienne, Robert Doisneau (1912 – 1994) fait un retour prodigieux au musée Maillol. Avec plus de 400 photographies présentées au public jusqu’au 12 octobre 2025, Robert Doisneau, Instant Donnés est un rendez-vous d’anthologie consacré à ce maitre de la photographie humaniste. Découverte de la plus importante rétrospective parisienne à lui être consacrée depuis 20 ans. 

Robert Doisneau, Instants Donnés, Musée Maillol © Tempora

Doisneau sous un jour nouveau

On croit connaitre celui que l’on a surnommé le braconnier de l’éphémère, et voilà qu’il nous surprend à nouveau ! Nous n’aurons jamais véritablement tout vu de Doisneau. Images iconiques et clichés plus confidentiels voisinent au musée Maillol avec des objets et documents ayant appartenu au photographe, comme le Rolleiflex avec lequel il arpentait inlassablement Paris et ses environs.

Contenus interactifs, tirages vintages tout juste sortis de son atelier et propositions audiovisuelles permettent une immersion totale dans l’univers Doisneau. Un audioguide accompagne le parcours de visite, donnant à entendre la voix de Robert Doisneau grâce aux archives sonores originales enregistrées entre les années 1960 et 1990. Une trentaine d’œuvres sont ainsi éclairées par ses mots.

Moins connu que ses images emblématiques attestant de son rôle dans le développement de la photographie humaniste, son travail publicitaire empreint d’humour est lui aussi pleinement mis en lumière.

Ses « bricolages » photographiques – collages et tirages réalisés dans le secret de son atelier pour rompre avec les impératifs de la commande photographique – enrichissent cette découverte transverse. Ses photographies en couleurs, souvent tenues dans l’ombre de son iconique corpus monochrome, trouvent également une place de choix dans le parcours d’exposition.

14 Juillet Aux Tuileries, 1978 © Atelier Robert Doisneau

Un corpus monumental orchestré avec justesse

Le fonds du photographe rassemble près de 450 000 clichés. C’est donc un travail de sélection pharaonique qu’à entrepris le commissariat collectif de l’exposition rassemblant pour l’occasion l’Atelier Doisneau (géré par les deux filles de l’artiste) et Tempora.

Les thèmes incontournables traités par Robert Doisneau, tels que classés par l’agence Rapho, sont au rendez-vous. Doisneau lui-même classait ses archives en regroupant ses images sur l’enfance, les ateliers d’artistes, les écrivains, les bistrots, les années Vogue, les banlieues… Tous témoignent de son talent unique pour explorer l’âme humaine et saisir la vérité de l’époque.

Les Bouchers Mélomanes, Paris, 1953 © Atelier Robert Doisneau

Ce parcours thématique, construit autour d’une dizaine de sujets plutôt qu’une chronologie, permet de pleinement mettre en exergue la profondeur et l’universalité de l’œuvre de Doisneau.

La tendresse du regard, l’universalité du geste

Après des accrochages le baptisant « photographe du bonheur », « portraitiste de Paris » et d’autres attachés à la face plus sombre de son œuvre (le photographe ayant saisi avec justesse la précarité, la prostitution, les luttes sociales) Robert Doisneau Instants Donnés propose une synthèse juste et authentique.

Les images présentées s’étendant de 1934 à 1992 couvrent l’intégralité de sa vie et carrière, Robert Doisneau ayant pris sa toute dernière photographie en 1993 . Cette tension entre lumière et noirceur n’est pas un choix de mise en scène délibéré, plutôt la rencontre d’un homme joyeux avec le monde qu’il fixe tel qu’il est plutôt que comme il le voudrait.

Les Coiffeuses Au Soleil, Juin 1966 © Atelier Robert Doisneau

Des bals élégants aux comptoirs de zinc des faubourgs Paris populaire, Robert Doisneau a photographié celles et ceux qui croisaient son chemin avec la même attention. Cette profondeur de cœur et cette modestie sont la veine de la photographie humaniste. C’est cette humanité et cette tendresse du regard qui fonde l’intemporalité et l’universalité de son œuvre, plus de cent ans après sa naissance.

Au travers de l’œuvre de Doisneau c’est aussi l’avènement du Paris moderne et de ses banlieues aux couleurs factices, auxquelles il consacrera de 1984 à 1985 un reportage complet, qui se livre à nous. Point final à cette exposition, une installation consacrée à l’incontournable Baiser de l’Hôtel de Ville permet de clore cet instant suspendu.

Robert Doisneau, Instants Donnés, Musée Maillol © Tempora.

Un photographe du présent pour l’éternité

Abriter cette rétrospective au musée Maillol résonnait comme une évidence. L’histoire de Robert Doisneau croisant, un jour de juin 1964, celle du sculpteur. En route pour un rendez-vous à l’agence Rapho, le photographe traverse les Tuileries lorsqu’il tombe par hasard sur l’installation des sculptures de Maillol, récemment acquises par l’État.

Fasciné, le photographe oublie son rendez-vous et passe la journée à immortaliser la scène, sous le regard de Dina Vierny, modèle et muse de Maillol. Un instant rare offert par le hasard, que l’exposition prolonge aujourd’hui pour le plus grand plaisir du public parisien.

Robert Doisneau, Instants Donnés, Musée Maillol © Tempora

Jamais nostalgique, l’œuvre de Robert Doisneau s’est tenue au seuil de la modernité, cueillant avec réalisme et poésie les mutations sociétales de son époque. Ce propos imagé, merveilleux et authentique, entre rire et gravité, fait de Robert Doisneau, un photographe du présent pour l’éternité. 

Deux parenthèses permettent de prolonger l’exposition : le numéro hors-série de la revue Beaux-Arts (76 pages, 14,90 €) et le catalogue d’exposition Robert Doisneau, Instants Donnés (288 pages, 270 photographies, 18 illustrations, 45 €) disponible au musée Maillol.

Informations pratiques :
Robert Doisneau, Instants Donnés
Musée Maillol
Du 17 avril au 12 octobre 2025
59-61 rue de Grenelle, 75007 Paris
De 10h30 à 18h30, nocturne les mercredis jusqu’à 22h
Tarif : 16,50 €