Le concours World Press Photo, qui fête ses 70 ans, a dévoilé la Photo de l’Année 2025 ainsi que ses deux grands finalistes. L’événement, qui distingue chaque année l’excellence du photojournalisme mondial, a reçu 59 320 images, soumises par 3 778 photographes de 141 pays.
L’édition 2025 du World Press Photo place la résilience au centre de ses récits. Les images sélectionnées, si elles parlent de conflits, de migration ou de changement climatiques — mais surtout, elles nous parlent d’humains.
Photo de l’Année 2025 : “Mahmoud Ajjour, 9 ans” par Samar Abu Elouf
Le cliché qui remporte le prix de la Photo de l’Année 2025 est une image d’une tendresse insoutenable. Celle d’un enfant, Mahmoud Ajjour, amputé des deux bras à la suite d’un bombardement à Gaza, qui apprend à vivre autrement. Son visage paisible, éclairé par une lumière douce, contraste violemment avec la brutalité de l’histoire qu’il incarne.

Photographié par Samar Abu Elouf, également originaire de Gaza, ce portrait intime a été capturé à Doha, où l’enfant est soigné après avoir été évacué. Il utilise ses pieds pour jouer, écrire, ouvrir des portes. Derrière ce geste quotidien, il y a un combat immense pour la dignité et l’autonomie.
Cette photo ne documente pas seulement une tragédie individuelle, elle évoque un drame collectif. En décembre 2024, Gaza présentait le taux le plus élevé d’enfants amputés au monde. Selon l’UNRWA, 11 000 personnes attendaient encore une évacuation médicale début 2025. Le cliché d’Abu Elouf illustre l’impact disproportionné des conflits armés sur les enfants, et donne un visage, une histoire, une humanité aux statistiques.
“C’est une photo silencieuse, qui pourtant parle très fort”, témoigne Joumana El Zein Khoury, directrice exécutive de World Press Photo.
Lucy Conticello, présidente du jury mondial et directrice de la photographie de M, le magazine du Monde, explique : “cette image fait ce que le photojournalisme est en mesure de faire : offrir un point d’entrée avec nuance dans une histoire complexe”.
“Traversée de nuit” par John Moore et “Sécheresses en Amazonie” par Musuk Nolte, les deux finalistes
Deux finalistes du World Press Photo ont également étré dévoilés, avec des clichés de John Moore et Musuk Nolte.

Autre lumière, autre drame. Le photographe américain John Moore (Getty Images) a saisi une scène rare et émouvante : un groupe de migrants chinois, recroquevillés sous la pluie, se réchauffe après avoir traversé la frontière mexicaine vers la Californie. L’obscurité, les vêtements mouillés sous le plastique, les gestes protecteurs : tout dans cette image parle d’attente, de fatigue, d’incertitude.
En 2024, le nombre de migrants chinois interceptés à cette frontière a atteint un record de 38 200 personnes, contre seulement 2 200 deux ans plus tôt, conséquence de difficultés économiques croissantes, du durcissement des politiques de visas, et de la répression de la liberté d’expression en Chine.
Les réseaux sociaux jouent un rôle clé dans cette migration, diffusant des tutoriels vidéo détaillant les étapes du passage, et véhiculant une image parfois trompeuse de la vie aux États-Unis.
Cette photographie nous rappelle que derrière chaque mouvement migratoire, il y a des visages, des histoires, des choix déchirants. Et que la frontière n’est pas une ligne, mais un vécu.

Enfin, le photographe mexicain Musuk Nolte nous entraîne en Amazonie, où les effets du changement climatique sont désormais impossibles à ignorer. Dans une image saisissante, un jeune homme est là, sur le lit asséchédu fleuve Solimões, transportant de la nourriture pour sa mère.
Son village, Manacapuru, autrefois accessible par bateau, est aujourd’hui isolé. Ce n’est pas une dystopie, c’est le présent : le fleuve Amazone connaît des niveaux historiquement bas, conséquence directe de sécheresses aggravées par le réchauffement climatique. Cela met en péril non seulement l’écosystème mais aussi les structures sociales et les modes de vie.
Musuk Nolte donne un visage humain à la crise écologique, souvent perçue comme abstraite. Ses clichés parlent d’exode rural, de survie, de liens familiaux, mais surtout de l’urgence à agir.
Voici également une sélection de photos qui ont remporté des prix régionaux aux World Press Photo 2025 :

© Jabin Botsford, for The Washington Post

© Aliona Kardash, DOCKS Collective, for Stern Magazine

© Rafael Heygster, for Der Spiegel

© Mikhail Tereshchenko, TASS Agency

© Prins de Vos, Queer Gallery

© Florian Bachmeier

© Tatsiana Chypsanava, Pulitzer Center, New Zealand Geographic

© Ye Aung Thu

© Noel Celis, for Associated Press.

© Jerome Brouillet, for Agence France-Presse

© Tommy Trenchard, Panos Pictures, for NPR

© Luis Tato, Agence France-Presse

© Marijn Fidder
Quand la photographie devient mémoire collective, toujours sans IA
Cette année, le nombre de prix est passé à 42 (contre 33 en 2024). Cette augmentation reflète la volonté de l’organisation World Press Photo de mettre en valeur davantage de projets dans chaque région, avec désormais trois lauréats sélectionnés par catégorie et par région. Plus d’informations sur le site du World Press Photo.
Les photographes gagnantes seront exposées dans plus de 60 villes à travers le monde, notamment à Londres, Rome, Berlin, ou encore Mexico, Montréal, Jakarta et Sydney.
La Photo de l’année permet à son auteur de bénéficier d’une somme de 10 000 €. Le gagnant, ainsi que les deux finalists, reçoivent également un appareil photo Fujifilm GFX 100 II avec deux objectifs, ou bien un GFX 100RF accompagné d’un objectif, d’une valeur totale de plus de 14 000 €.
Le concours maintient également une exigence forte d’authenticité : aucune IA générative n’est autorisée et chaque cliché est rigoureusement vérifié, afin de redonner du crédit à la photographie documentaire.
Vous pouvez retrouver l’ensemble des lauréats par région sur le site du World Press Photo.