4. Laia Abril, Identity Thief, from the series On Mass Hysteria, 2023, Courtesy Galerie Les filles du calvaire, Paris © Laia Abril

Laia Abril au BAL : l’hystérie collective et la misogynie sens dessus dessous

À Paris, le BAL expose le dernier travail au long cours de l’artiste-chercheuse catalane Laia Abril. On Mass Hysteria est une analyse visuelle minutieuse des explications souvent fallacieuses des crises qualifiées « d’hystérie collective ». Entre installations vidéo, collages et études de cas, cette exposition est à découvrir jusqu’au 18 mai 2025. Elle est accompagnée d’un ouvrage paru aux éditions Delpire & Co.

Mass Hysteria Folder #1 : France, 1400—1632 Nuns | Meowing and Trance-like State Epidemic, 2023, Courtesy Galerie Les filles du calvaire, Paris © Laia Abril

Les phénomènes dits « d’hystérie collective » frappent majoritairement des communautés de femmes et de jeunes femmes étroitement liées – par un lieu géographique précis, par un travail – et qui, confrontées à des situations de stress ou d’oppression, manifestent des symptômes collectifs sans cause physiologique.

Laia Abril détricote nombre de ces cas pour en renouveler les interprétations, à rebours des discours psychologisants qui annulaient de facto les dimensions sociologiques et sociétales de ces phénomènes.

TOXIC MEDIA, Mind Series (Case 3, Le Roy, US, On Mass Hysteria), 2023,
Courtesy Galerie Les filles du calvaire, Paris © Laia Abril

C’est à cet endroit-là que l’image et ses détournements jouent un rôle. Une des études de cas de Laia Abril se situe dans une usine de confection au Cambodge dans laquelle s’est produite une « épidémie d’évanouissement » au sein des groupes d’ouvrières exploitées.

Sur de grands panneaux rétroéclairés, Laia Abril compose des collages avec des portraits des femmes concernées en y apposant des phrases misogynes prononcées par des managers ou des psychologues consultés pour l’occasion.

FEELINGS, News Series (Case 2, Cambodia, On Mass Hysteria), 2023,
Courtesy Galerie Les filles du calvaire, Paris © Laia Abril

Ces phrases en capitale, en rouge, apposées sur ces collages tout en nuances de gris, viennent comme en contradiction aux analyses minutieuses de l’artiste-chercheuse ; le ridicule de leurs énoncés apparaît immédiatement, ce qui provoque rire et indignation.

Toutes les images exposées sont comme en miroir ; une impression renforcée par la scénographie qui nous permet de circuler librement et d’avoir toujours un œil sur d’autres parties de l’exposition à travers des trouées souvent signifiantes.

Laia Abril, Identity Thief, from the series On Mass Hysteria, 2023,
Courtesy Galerie Les filles du calvaire, Paris © Laia Abril

Des images souvent volontairement choquantes – jusqu’à celles comprises dans la vidéo qui conclue l’exposition, édifiante – contrebalancent avec les entretiens qu’a pu mener Laia Abril avec les concernées, ou d’autres de leurs conditions de vie, de travail, etc. Une manière très pertinente de renverser la conception occidentale de la souffrance des femmes qui a tendance à pathologiser et à hypermédicaliser en négligeant des raisons sociales.

En déplaçant l’interprétation de ces phénomènes, l’artiste interroge directement la classification responsable-victime et le rôle de l’oppression des femmes dans les manifestations d’une maladie collective.

ANGER, Mind Series (Case 2, Cambodia, On Mass Hysteria), 2023, Courtesy Galerie Les filles du calvaire, Paris © Laia Abril

Informations pratiques :
On Mass Hysteria / Une histoire de la misogynie, Laia Abril
Le BAL
Du 17 janvier au 18 mai 2025
6 impasse de la Défense 75018 Paris
Du mercredi au dimanche : 12h – 19h (nocturne jusqu’à 20h les mercredis)
Tarifs : 8 €, tarif réduit 6 €

On Mass Hysteria / Une histoire de la misogynie, Laia Abril
Éditeur : Delpire & co et Dewi Lewis
55 €, 384 pages dont 250 photographies, relié, 19 x 27 cm
Acheter le livre : Delpire & co / Fnac