Le Musée de Pont-Aven organise une rétrospective sur Willy Ronis, grand photographe humaniste du vingtième siècle. Intitulée « Se retrouver », l’exposition, qui dure jusqu’au 28 mai 2023, met à l’honneur ces moments de retrouvailles qui suivent les évènements majeurs traversés collectivement, l’importance des temps de partage nécessaires au lien social. Les organisateurs formulent clairement ce positionnement et rentrent ainsi en résonance avec la récente crise sanitaire, et la restriction de ces temps de liberté et de communion qui en a découlé.

L’exposition est ainsi placée sous l’égide des retrouvailles, déclinées de différentes manières. Engagement pour une cause, temps de convivialité autour d’un verre ou d’un concert, défilés et manifestation… Willy Ronis a traversé les époques et a toujours eu à cœur de photographier ces moments collectifs, ensemble, tantôt avec euphorie, tantôt avec un regard teinté de nostalgie, où l’écart générationnel se creuse entre lui et ce qu’il tente de représenter.

Un photographe de l’engagement
Au début de sa carrière, Willy Ronis considère que les retrouvailles sont synonymes de rassemblement autour d’une cause, d’une lutte. Grèves, manifestations du 1er mai et meetings passent devant son objectif, avec toujours en ligne de mire les populations modestes et leurs luttes – pas étonnant quand on sait qu’il était lui-même issu de la classe populaire et d’une famille de réfugiés.
En 1936, il photographie la foule qui défile suite à la victoire du Front populaire : les gens sont rassemblés, nombreux et galvanisés, et parmi cette masse, une petite fille se démarque, symbole fort, comme une Marianne à venir.

Je préférais déjà photographier les à-côtés des événements plutôt que les événements eux-mêmes. J’avais été amusé par cette petite fille au bonnet phrygien rappelant celui du drapeau, et qui levait le poing, sans trop savoir pourquoi bien sûr.
Willy Ronis


Bien qu’il soit ancré à gauche, sa femme, Marie-Anne Lansiaux, est plus militante que lui. Il la suit à tous les évènements du Parti communiste et photographie nombreux de ses meetings et rassemblements… tout y passe sous son objectif et, sans qu’on lui demande expressément, il a ainsi constitué une véritable archive de cette période politique.

Willy Ronis et la musique
En 1945, le directeur de la revue Jazz Hot lui commande un reportage sur Django Reinhardt. Son intérêt pour la musique – et les musiciens – n’est pas récent : dès l’enfance, il est influencé par sa mère, professeure de piano, et son père, amateur d’opéra. C’est ce profond respect envers les professionnels de la musique qui le mènera à les photographier, qu’ils soient dans la rue, amateurs, ou connus et reconnus comme Django Reinhardt. Le musicien avec sa guitare et son fils assis dans une voiture d’enfant photographiés de près, dans la pénombre, et cette faible profondeur de champ qui amène le regard vers l’enfant, véritable sujet de l’image… le portrait qu’il a réalisé a fait date.

Willy Ronis se distingue également de ses pairs lorsqu’il photographie les fêtes foraines et les bals populaires. Alors que Robert Doisneau et Édouard Boubat entament joyeusement la conversation avec les uns et les autres, Willy Ronis reste à l’écart, photographie en retrait, extérieur à la scène qu’il représente.

Photographe de l’intime
Finalement, ce sont peut-être les images personnelles de Willy Ronis qui représentent le mieux son goût pour les temps de convivialité. Toutes ses photographies familiales témoignent d’un désir de communion avec ses proches ; elles seront parfois publiées dans des magazines qui érigent alors le culte du sport, du tourisme et du plein air en grande cause nationale, véritable reflet de la société française de l’époque.

Nostalgiques sans être affectées, les images de Willy Ronis témoignent d’une époque où les rassemblements populaires étaient centraux dans le quotidien des habitants des grandes villes, où les foules étaient regardées sans mépris, avec considération, presque avec admiration. C’est ainsi qu’il le formule : « La foule, dans ses évolutions, est une machine à produire des merveilles. Mais à tout trésor, il faut un inventeur. »

Informations pratiques :
Willy Ronis : Se retrouver
Musée de Pont-Aven
du 4 février au 28 mai 2023
Place Julia, 29930 Pont-Aven
Ouvert du mardi au dimanche, de 10h à 18h
Tarif : 8 € (réduit : 6 €)
Un catalogue d’exposition est publié conjointement aux éditions Locus Solus au tarif de 19 €.