En parallèle de l’exposition à la Fondation Henri Cartier-Bresson, Richard Avedon est mis en lumière grâce à une exposition romaine plus intime. Italian Days, présentée jusqu’au 27 juin 2025 à la galerie Gagosian de Rome, révèle les prémices du style Avedon, nourries par ses flâneries photographiques en Italie au lendemain de la guerre.

Rencontre italienne
C’est en 1946, à peine âgé de 23 ans, que Richard Avedon débarque en Italie. Le pays, encore largement fermé au tourisme, se relève à peine de la guerre mais, malgré les ruines, reste traversé d’élans de vie. Rome, Palerme, Venise… Le photographe américain y reviendra à plusieurs reprises jusqu’à la fin des années 1950.

Ce sont ces séjours qui donnent naissance à Italy (1946–48), une série de 18 photographies, présentée pour la première fois à Rome dans son intégralité. Pour l’occasion, d’autres images accompagnent cet accrochage rare.
Ruelles ensoleillées, portraits spontanés : Richard Avedon capte la dignité des visages et la force de résilience. Ses portraits content la gravité comme l’effervescence de la joie. On découvre également plusieurs clichés de Zazi, artiste de rue romaine au charme vif, qui incarne déjà cette quête d’expression pure que poursuivra Avedon toute sa carrière.

Un dialogue visuel entre passé et futur
Conçue par la scénographe Cécile Degos, à qui l’on doit également l’exposition de 2024 Iconic Avedon à la galerie Gagosian parisienne, Italian Days propose un accrochage clair et narratif. Chaque image répond à une autre dans une structure en miroir. Des correspondances visuelles surgissent, reliant époques, sujets et émotions.

Ce qui frappe, au-delà de l’expressivité et de l’esthétique de ces portraits, c’est la richesse des résonances avec des œuvres plus tardives du photographe. Chaque image semble en annoncer une autre, emblématique. Les traits des anonymes croisés aux détours des ruelles italiennes, comme ceux des figures culturelles de l’époque, s’effacent alors pour nous suggérer celles et ceux dont la gloire sera figée par Avedon.
La mélancolie d’un portrait de 1947 préfigure celle de Marilyn Monroe, mais aussi celle d’un prêteur sur gage de sa série ouest américaine. Le sourire d’un jeune sicilien laisse deviner celui d’un autoportrait des années 60, un second permet d’entrevoir la posture prise par Samuel Beckett en 1979… Quant au sourire d’une danseuse Sicilienne, il fait écho à l’élégance légère d’une Audrey Hepburn sur un tournage ou d’une Dorian Leigh immortalisées des années plus tard dans les rues parisienne.

L’exposition établit ainsi un fil continu entre les premiers pas du photographe et son style iconique. De l’Italie à l’Ouest américain, actuellement à l’honneur à la Fondation Henri Cartier Bresson, on découvre une même proximité entre le photographe et ses modèles.
Les rues italiennes ont été le laboratoire d’un langage visuel unique construit sur les interactions de l’artiste avec ses sujets. Ces résonnances sont aussi la déclaration d’une humanité partagée, transcendant géographie, statut et époque grâce à la vision d’un artiste.

Loin d’être un simple chapitre d’archives ressurgi du passé, Italian Days révèle un pan intime et fondamental de l’œuvre d’Avedon. On y perçoit une attention aux corps et aux visages déjà aiguë, mais aussi une sincérité brute dans sa relation au modèle. À travers ces images italiennes se dessine une vision universelle, témoignage additionnel du talent inouï de ce maître de l’image.

Informations pratiques :
Richard Avedon: Italian Days
Galerie Gagosian
Jusqu’au 27 juin 2025
Via Francesco Crispi 16, Rome
Du mardi au samedi, de 10h à 18h30
Entrée libre