Tout juste célébrée par les Sony World Photography Awards pour sa contribution exceptionnelle à la photographie, Susan Meiselas est à nouveau à l’honneur à l’occasion la réédition de Nicaragua, monographie phare initialement publiée en 1981.
Susan Meiselas, témoin d’une révolution à l’œuvre
Nicaragua dresse le portrait unique d’une lutte sans répit contre la dictature en place depuis l’arrivée au pouvoir de la famille Somoza (Nicaragua) dans les années 30. De juin 1978 à juillet 1979, la photoreporter, membre de l’agence Magnum, réalise plusieurs reportages sur le terrain.
Le travail de Susan Meiselas offre alors un regard sans commune mesure sur la chute du régime Somoza et l’insurrection sandiniste, jusqu’à l’offensive finale de l’été 79.

Dans le livre, les photographies en couleurs se succèdent et avec elles des images d’hommes au travail, dans les champs ou sur les embarcadères d’un port et des vies de famille. Puis surgissent des clichés plus sombres, saisissant la liesse des militaires et des enfants, mais aussi des vallées luxuriantes jonchées de corps non identifiés et de rues ravagées par les flammes.


Susan Meiselas fige les défilés sous les drapeaux du Front sandiniste de libération nationale, les cortèges mortuaires et réalise plusieurs portraits de révolutionnaires, les visages rendus anonymes par un bandana ou un masque de catch.
Surtout, la reporter ne photographie pas en zone de combat, elle capture l’infiltration d’une violence de zone de guerre dans le quotidien des populations. Pénuries, fuites et organisation de la résistance, à l’ombre des gravats ou au cœur de la jungle font partie de ce portfolio unique.

Un livre-étendard
Nicaragua offre un récit visuel détaillé des évènements ayant abouti à la chute du dictateur Anastasio Somoza dans le pays. Sans pareil, l’ouvrage sorti en 1981 avait depuis été réédité une seconde fois. Désormais enrichie de nouveaux apports, la troisième édition de cet essai photographique, dont plusieurs clichés sont devenus iconiques, est proposée ce printemps par Aperture.
Si les images, explicites, prises sur le vif, se passent volontiers de mise en contexte, une chronologie relatant les grandes étapes de l’histoire du Nicaragua et plusieurs statistiques accompagnent leur légende. Une série de courriers, déclarations, poèmes ou télégramme d’archives redonnent leur voix aux protagonistes, anonymes ou non, de cette révolution durant laquelle espoir et brutalité n’ont fait qu’un.

Si elle a quitté le Nicaragua, Susan Meiselas a continué de mettre ses photographies en contexte, forgeant la mémoire ce cette période charnière. Plusieurs de ces photographies ont depuis été exposées en grand format dans les lieux même où elles ont été réalisées, une manière de sortir le photoreportage de l’instantanéité du temps de l’information.

Enrichie d’une conversation retranscrite entre Susan Meiselas et Kristen Lubben (directrice générale de la Fondation Magnum), cette nouvelle édition de Nicaragua permet de tourner une page initiée il y a presque cinquante ans. Des QR codes invitent le lecteur à découvrir des extraits de films documentaires réalisés par Susan Meiselas en 1991 et 2004, mettant en lumière d’une manière inédite 30 des 75 photographies du livre.

Ouvrage contemporain devenu un classique, le corpus permet de ne pas oublier les atrocités qui ont noirci les pages de l’histoire du pays. Nicaragua est aussi un rappel de la nécessaire présence des photoreporters dans les régions prises sous les feux de la violence.
Susan Meiselas : Nicaragua, juin 1978–juillet 1979
Éditeur : Aperture
55 €, 128 pages, 75 photographies, relié, 27,5 x 21,5 cm
Acheter le livre : Aperture / Fnac