Après deux expositions consacrées à l’Inde et à la route de l’Orient, le travail de Marc Riboud (1923-2016) au Vietnam est mis en lumière au Musée Guimet. L’institution parisienne propose au public parisien de commémorer les 50 ans de la fin de la Guerre du Vietnam (1955 – 1975) en présentant 10 années d’images et d’archives couvrant la période de 1966 à 1976.

Une exposition conçue à partir des archives de Marc Riboud
Organisée par le Musée Guimet, dépositaire du fonds et des archives du photographe, conjointement avec l’association Les Amis de Marc Riboud, l’exposition rassemble un ensemble de clichés rares et puissants.
En 1967, Marc Riboud, alors membre de l’agence Magnum, se rend à Washington pour couvrir les protestations pacifistes contre la guerre du Vietnam. Il était parti une première fois sur place dix mois plus tôt, embarqué sur le porte-avion américain USS Enterprise. À son retour déjà, il témoigne des illusions des soldats « endoctrinés », persuadés de ne viser que des cibles militaires et non les civils.
Initiés en 1955, les combats ont depuis une année acquis une intensité renouvelée. Son cliché intitulé La Jeune Fille à la Fleur, pris devant le Pentagone, fera la Une de nombreuses rédactions et demeurera le symbole de ce désir de paix.
Pourtant, l’histoire prendra un autre tournant et les baïonnettes l’emporteront sur les fleurs.
Dix ans durant, le photographe français multipliera les allers-retours au Vietnam. Hanoi, Saigon, Hué, mais aussi les routes de campagne et les rizières deviendront le décor d’images saisissantes où il s’emploie à témoigner du courage inversement proportionnel à la misère des populations.


Une rencontre historique avec Hô Chi Minh
Le succès de son cliché de 1967 convaincra Hô Chi Minh, fondateur de la République démocratique du Vietnam, de sortir de son silence médiatique. Le héros de l’indépendance, désormais à la tête de la lutte contre l’armée américaine et celle du Sud Vietnam, accepte de rencontrer le photographe. Ses clichés le montrant aux côtés de son Premier ministre feront à nouveau le tour du globe.


Ces images historiques font elles aussi partie des nombreuses photographies exposées au Musée Guimet.


Un photographe engagé, mais pas militant
Marc Riboud est photographe en temps de guerre, mais pas reporter de guerre. Il ne saisit pas des corps, mais plutôt des vies blessées. Ce ne sont ni les lignes de front ni les combats qu’il entend immortaliser, mais la survie de celles et ceux qu’il rencontre au Nord (soutenu par la Chine Populaire et l’URSS) comme dans le Sud Vietnam. Les visages des enfants, des familles ou des jeunes amants s’enlaçant à quelques pas des abris anti-bombes s’impriment sur ses pellicules.


Partout, la « méthode Marc Riboud » est à l’œuvre. Photographe de terrain, il appréciait prendre le temps des repérages et revenait régulièrement sur les mêmes lieux. Les liens authentiques qu’il a su tisser avec les populations rencontrées, en demeurant sur place bien plus longtemps que ses confrères ou en multipliant les séjours, lui ont permis de les suivre plusieurs semaines durant.
Fidèle aux enseignements de son mentor Henri-Cartier-Bresson, le photographe conserve son objectivité et son indépendance journalistique, attachée à témoigner d’une même humanité au Nord comme au Sud. En 1970, le photographe édite Face of North Vietnam, offrant un visage à celles et ceux contre qui s’était élancée l’armée américaine.


Reconstructions et désillusions
Suivra la lente reconstruction des villes bombardées, qui illustre la force et la résilience du peuple vietnamien. Les femmes jouent un rôle clé, en temps de guerre comme à l’aube de la paix et Marc Riboud ne passe pas à côté.


Exsangue, le pays appelle à nouveau à lui le photographe en 1976, à la veille de sa réunification. Aux ravages des attaques américaines succèdent alors, dans ses clichés, les signes de l’embrigadement communiste.


Avec cette exposition remarquable, le Musée Guimet offre bien plus qu’un hommage à Marc Riboud : il met en lumière un pan essentiel de l’histoire photographique et géopolitique du XXe siècle. À travers le regard de Marc Riboud, c’est un témoignage profondément humain sur un conflit encore vif dans les mémoires qui nous est légué ; un nécessaire rappel de la force et de l’importance d’un photojournalisme juste et digne en temps de conflits.
Informations pratiques :
Marc Riboud Photographies du Vietnam 1966-1976
Musée Guimet (Musée National des Arts Asiatiques)
Du 5 mars au 12 mai 2025
6 place d’Iéna, 75016 Paris
Tous les jours, sauf le mardi, de 10h à 18h
Tarif plein 13€, tarif réduit 10€