Sipa Press : l’agence photo en première loge pour les JO de Paris

À partir du 26 juillet, les Jeux olympiques de Paris 2024 seront à l’honneur dans les médias du monde entier, générant un flux massif d’images. Comment les agences de presse se préparent-elles pour gérer efficacement ce torrent visuel ? L’agence Sipa Press nous a ouvert ses portes, dévoilant les coulisses de la fabrique de l’info.

35 000 photos traitées par jour !

Plus que tout événement, les Jeux olympiques de Paris 2024 représenteront un flux d’images d’une énorme ampleur. « C’est un véritable tsunami de photos que nous aurons à traiter », déclare Mete Zihnioglu, directeur de Sipa Press.

Mete Zihnioglu, directeur de l’agence Sipa Press

Pour l’agence de photojournalisme comme pour ses principaux rivaux (AFP, Reuters,…), l’événement est un moment crucial. C’est l’occasion de démontrer leur excellence en fournissant les clichés les plus saisissants à leur clientèle, essentiellement composée de journaux et magazines. L’enjeu est d’autant plus crucial que les JO se déroulent cette année en France, au cœur même de Paris, à quelques pas des locaux de Sipa Press.

L’agence mobilisera 10 photojournalistes pour suivre les différentes épreuves sportives. Sipa Press est aussi le distributeur officiel des images pour certaines agences comme Shutterstock, mais surtout Associated Press (AP), avec qui l’agence collabore depuis 23 ans.

À partir du 26 juillet, pas moins de 35 000 images seront traitées chaque jour par les 20 salariés qu’emploie Sipa Press à son siège, située dans le 16e arrondissement de Paris. Cela représente le double du flux de travail habituel

Dans les bureaux de Sipa Press, dans le 16e arrondissement de Paris

L’âge d’or des années 80-90 – où les grandes agences faisaient payer très cher leurs photos aux médias du monde entier – semble révolu. Pour autant, l’activité s’avère particulièrement soutenue (notamment grâce aux JO) pour Sipa Press, dernier représentant des « 3 sœurs ennemies » (Sipa, Sygma, Gamma) encore en activité.

Cérémonie d’ouverture : un flux de production accéléré

Certains événements, comme la Cérémonie d’ouverture des JO, nécessitent la mise en œuvre de moyens spécifiques. Le but : livrer les photos aux clients de l’agence le plus rapidement possible. « Lors de la Cérémonie d’ouverture, nos photographes prendront des photos des embarcations sur la Seine, mais aussi des personnalités au Palais de Chaillot, à la tour Eiffel sur les quais », nous explique Mete Zihnioglu.

Les photographes seront équipés de boîtiers accompagnés d’une connexion 5G : les clichés sont envoyés en direct à l’agence (en JPEG). Entre la capture de la photo et sa livraison aux clients de l’agence, quelques minutes à peine suffiront. Un flux de production auquel Sipa Press aura aussi recours lors de certaines épreuves incontournables – notamment si un ou plusieurs athlètes français y participent.

« Nos photographes ne feront pas que des photos de sport : ils captureront aussi des clichés lifestyle de personnalités. Ils livrent aussi beaucoup d’images de l’ambiance à Paris depuis plusieurs semaines, notamment lors des préparatifs et de l’arrivée des touristes du monde entier », précise l’agence.

Ce « flux accéléré » n’est pas réservé aux JO, évidemment : le Festival de Cannes, par exemple, est un moment où la rapidité et impérative. D’autant que les partenaires de l’agence – particulièrement Associated Press – utilisent de plus en plus cette méthode de production. Ainsi, la photo d’Evan Vucci de la tentative d’assassinat de D. Trump à Butler, a été publiée par AP et reprise par tous les médias américains à peine quelques minutes après les coups de feu et la capture de la photo.

Actualité froide : le rôle des éditeurs

Pour l’heure, ce « flux accéléré » reste réservé aux événements où la rapidité est de mise. En conditions « normales », le processus s’effectue en plusieurs temps.

Une fois l’événement terminé, le photographe effectue sa sélection, et envoie ses images légendées. « Le photographe rédige toujours la légende de ses images : il connaît le nom des joueurs qui étaient sur le terrain », nous explique l’agence. Chaque événement, chaque thématique couverte par un ou plusieurs photographe(s) constituent ainsi un sujet – soit un ensemble cohérent de photos que l’agence pourra proposer à ses clients.

Les images sont réceptionnées par les éditeurs. Ces derniers choisissent les photos à conserver – et à mettre en ligne sur le site de l’agence, en vue d’être achetées par les clients. Comment cette sélection est-elle effectuée ? « Il faut que l’image ‘dise quelque chose’, qu’elle représente un instant T afin de fournir une information aux lecteurs », affirme Mete Zihnioglu. « Nous devons aussi nous mettre à la place de nos clients : nous n’allons mettre en ligne que des images qui sont susceptibles de les intéresser ».

Sipa Press est le distributeur exclusif pour la France des images de l’agence Chine Nouvelle. Cette photo de l’équipe chinoise sera certainement mise en ligne sur le site de l’agence.

Une fois ce travail de curation effectué, les éditeurs doivent renseigner les champs IPTC relatifs au photographe, à la date, au lieu et au contexte de la prise de vue. « Sur notre serveur, chaque photographe a sa fiche. Cela nous permet de savoir directement qui a capturé la photo, et donc à qui reverser les droits », indique l’agence. 

Sur les 18 000 clichés reçus tous les jours (hors JO), entre 4 000 et 5 000 images sont uploadées sur le site de Sipa Press. L’actualité ne s’arrête jamais, et les sujets s’enchaînent : les images de ruines à Gaza succèdent à des images de basketball…

Les photos sont ensuite envoyées (avec un filigrane Sipa) à tous les médias susceptibles d’être intéressés par ce sujet. Chaque client peut alors choisir quelles images il désire utiliser pour illustrer ses articles. En moyenne, chaque image est envoyée à plusieurs dizaines de clients, en France et à l’étranger : ce sont ainsi 300 000 envois qui sont réalisés chaque jour.

Les images transmises par Associated Press, quant à elles, rejoignent directement le site de l’agence – la curation et l’édition ayant déjà été effectuées par le staff de AP. En revanche, les éditeurs de Sipa Press effectuent une sélection spécifique aux besoins de leurs clients français – ces derniers n’étant pas forcément à même d’être intéressés par un sujet très spécifique, comme un match opposant Porto Rico au Canada !

Les clients et les conditions d’utilisation des images

Parmi les clients de Sipa Press, on retrouve certains grands noms de la presse française : Le Figaro, Elle, Marianne, 20 minutes, les Échos, France Télévisions90 % des revenus de SIPA Press viennent de la presse magazine – et des quotidiens. Sans oublier que l’agence dispose d’un volet « Corporate » – les images étant commandées par des entreprises ou des institutions publiques. Un volet qui représente environ 10 % des revenus de l’agence.

Un vénérable objectif Astro-Berlin Fernbildinse 800 mm f/5 (en monture F)

À l’occasion des JO de Paris, le magazine d’actualité presse people Gala a établi un contrat avec Sipa Press : les images du jour seront utilisées dans une édition spéciale, nommée « Gala Paris 2024 », produite quotidiennement du 26 juillet au 11 août 2024.

Ce magazine sera distribué gratuitement dans tous les grands hôtels parisiens. « Cela nous impose de travailler très rapidement », explique le directeur de l’agence, « mais cela donne une grande visibilité à nos photos ».

« Notre modèle est celui de la cession des droits », détaille Mete Zihnioglu. « Chaque organe de presse achète le droit d’utiliser chaque photo, et le tarif varie selon plusieurs facteurs ». Ainsi, le tirage du journal/magazine (en dizaines ou centaines de milliers d’exemplaires) est l’un des principaux critères – ainsi que le type d’utilisation de l’image (couverture, page intérieure ou petite photo). Pour une utilisation sur un site Internet, le prix est facturé au téléchargement – et l’utilisation est limitée dans le temps.

« Une image peut être vendue une fois, 10 fois, ou jamais », indique le directeur de l’agence. « À titre d’exemple, la photo de la tentative d’assassinat de D. Trump capturée par Evan Vucci [membre de l’agence AP, NDLR] a été vendue des centaines de fois. Certaines photos deviennent virales, et sont reprises partout. »

En règle générale, les droits sont répartis de la manière suivante : 50 % reviennent au photographe (ou à l’agence partenaire, comme Shutterstock ou AP) et 50 % à Sipa Press.

En outre, l’image ne peut être utilisée que pendant une durée de 7 jours – au-delà, elle est considérée comme une « archive », et les médias doivent acheter à nouveau le droit de l’utiliser. « L’agence vit au rythme des bouclages des différents magazines », explique Mete Zihnioglu. « Si une photo n’est pas dans les parutions de la semaine, elle va directement aux archives. De fait, il existe une grande différence entre ce que nous considérons comme les archives et ce que ce terme recouvre pour le grand public ».

Comment valoriser les 93 millions de photos d’archives de Sipa Press ?

Les archives de Sipa Press, justement, sont tentaculaires. « Nous disposons de 73 millions d’images numériques, mais aussi de 20 millions d’images argentiques », indique l’agence. De quoi permettre à certains médias de piocher des images des anciennes éditions des Jeux olympiques, par exemple.

L’histoire de l’agence remonte à 1969, 4 ans avant que son fondateur, Gökşin Sipahioğlu, ne crée Sipa Press. « Ainsi, nous disposons de clichés de tous les JO depuis 1972 », indique M. Zihnioglu. « Nos archives sont une source de revenus supplémentaires », explique-t-il. D’autant que l’agence possède aussi le fonds d’un certain nombre de photographes, qui ont cédé la gestion des droits à SIPA Press.

Comme nous avons pu le voir, les JO de Paris 2024 représentent un enjeu majeur pour Sipa Press. L’agence – et ses photographes – sera ainsi aux premières loges de l’information pour « nourrir » quotidiennement la presse française et internationale avec les plus belles photographies de la compétition.

Nous remercions M. Zihnioglu ainsi que le personnel de Sipa Press, qui nous ont permis de découvrir les coulisses de leur agence de presse.