Depuis plus de quarante ans, Cássio Vasconcellos survole la Terre en hélicoptère, un appareil photo à la main. Alliant photographie, collage et montage, l’artiste brésilien donne à voir les humains et leurs activités, à (très) grand angle. En résulte une production photographique entre gigantisme, précision chirurgicale et regard critique sur nos sociétés. Place à l’interview.

D’où vient votre passion pour la photographie aérienne ?
Ma passion pour la photographie aérienne découle de ma passion pour les hélicoptères, qui remonte à mon enfance. Les deux choses que j’aime le plus sont la photographie et l’hélicoptère, donc j’ai fusionné ces deux choses en une seule : la photographie aérienne.

Vous photographiez depuis un hélicoptère. Quel équipement emportez-vous ? Comment effectuez-vous vos prises de vues ? Avez-vous une équipe avec vous ? Songez-vous à utiliser un drone ?
J’ai pris la plupart de mes photos aériennes depuis un hélicoptère, et j’utilise un appareil photo Canon EOS 6D, qui marque d’emblée la position GPS dans le fichier. J’utilise des zooms, parce qu’il faut être très polyvalent dans les airs et qu’il vaut mieux éviter de changer d’objectif en vol. Je photographie toujours seul, donc il y a habituellement le pilote et moi à bord. J’utilise également des drones quand l’occasion se présente. Chacun des deux a ses avantages et ses inconvénients.

Dans votre série Coletivos se lit une tendance à la représentation du chaos de notre société, de la surpopulation à la surindustrialisation. Pourquoi un tel point de vue ? Quel message voulez-vous faire passer, et comment en êtes-vous arrivé là ?
Dans la série Coletivos, mon intention est de montrer à quel point les humains ont besoin de choses et d’espace pour leur mode de vie, ainsi que le grand volume de déchets que nous produisons.
Bien sûr, beaucoup de choses sont recyclées, mais il est important de constater que nous ne sommes pas encore en mesure de tout recycler. Comme le volume de choses que nous produisons est immense, les déchets occupent toujours plus de place. Mais ils sont dispersés entre divers endroits éloignés les uns des autres, généralement entourés de murs, à l’écart de nos vies, si bien que presque personne ne se rend compte de ce volume absurde.
Au fil des années, à force de survoler de grandes villes, j’ai pu voir ces innombrables décharges. En gros, dans OVER, j’ai rassemblé des milliers de décharges en un seul endroit.

Votre manière de prendre des photos a-t-elle changé entre 2008 et 2019 ? Dans quelle mesure la technologie vous aide-t-elle face à votre charge de travail ?
Le principal changement dans ma façon de photographier s’est, en fait, produit après 2005, lorsque j’ai commencé à utiliser des appareils photo numériques, qui sont bien plus pratiques et facilitent les photos aériennes.

Votre art se situe entre la photographie, le collage et le montage. Vues de loin, vos images rappellent le mouvement pointilliste. Quelles sont vos inspirations artistiques ?
J’ai toujours aimé explorer les limites de la photographie, que ce soit avec des collages, des assemblages ou différents types d’interventions, et ce dès ma première série, avec Ships et Marine Landscapes, au début des années 1990. Mon inspiration ne vient pas seulement de la photographie, mais aussi du cinéma, de la musique, de la peinture et, surtout, de ce que je vois autour de moi.

Quels logiciels utilisez-vous pour créer vos photomontages, et quelles sont vos méthodes pour cela ?
J’utilise Photoshop pour créer les images de la série Collectives.
En regardant une image comme Coletivo 3 ou A Praia, on visualise tout le travail nécessaire pour recadrer l’ensemble des éléments à la main. Combien de temps vous faut-il, approximativement, pour créer l’image finale ?
Les images de la série Collectives demandent toutes beaucoup de temps, généralement quelques mois pour chacune, voire plus. Aeroporto, par exemple, m’a pris un an, et OVER presque un an et demi. Tous les éléments doivent être recadrés un par un sur Photoshop, puis être correctement mis à l’échelle et faire l’objet de nombreux autres ajustements.

Lorsque vous prenez vos photos depuis l’hélicoptère, avez-vous déjà une idée précise du résultat final ?
Au début, j’ai une idée de ce que je veux faire de l’image, mais pas du résultat final, car je le construis par étapes. Il y a des œuvres dans lesquelles je ne répète quasiment rien : par exemple, dans OVER, il n’y a pas d’avions, de bateaux ou de piles de ferraille dédoublés ; en revanche, quelques voitures le sont, mais très peu puisque j’ai des milliers de voitures très diverses dans ma base de données. Une autre œuvre, É Nóis, est précisément le produit de la répétition d’un même groupe de personnes, créant un motif très intéressant dans l’image.

Pouvez-vous partager avec nous une anecdote mémorable autour de cette série ?
La première photo de cette série date de 2008 : une immense cour de voitures, garées côte à côte, d’une taille inimaginable, absurde, quelque chose qui ne pouvait pas se produire dans la réalité.


Mais voilà que le 31 mars 2018 j’ouvre le journal et vois une photo satellite d’une immense étendue dans le désert californien, avec des voitures par dizaines de milliers. Cette image était pratiquement la même que celle que j’avais créée il y a quelques années, tant la fiction effrayante est devenue réalité.
Quelle part a la réalité et la fiction dans vos images ?
Il y a de la fiction dans ces images parce que l’image est construite, c’est un espace imaginaire. La réalité y est présente parce que toutes ces choses existent et que je les ai toutes photographiées.

Quels sont vos projets en cours ?
En ce moment, je me consacre à un travail sur les paysages brésiliens, et non sur les photos aériennes.
Merci Cássio d’avoir répondu à nos questions. Vous pouvez découvrir l’intégralité du travail du photographe sur son site internet.
Les nouveaux projets de Cássio Vasconcellos sont actuellement exposés à la Galerie GADCOLLECTION à Paris du 12 septembre au 23 octobre 2023, avec 7 nouvelles œuvres des séries OVER, Colectivo et A Picturesque Voyage through Brazil.