Comment choisir correctement son écran photo ?

Le choix de son écran photo passe souvent après le choix de son appareil photo, alors même qu’il s’agit d’une pièce maîtresse afin de contrôler et d’offrir un rendu le plus juste pour ses photos. Mettre de côté son écran ou choisir le premier écran venu n’est pas forcément une bonne idée, surtout si vous comptez exploiter vos images (tirages, livres photo, impressions divers).

Dans cet article, réalisé en partenariat avec Digit-Photo, nous avons posé nos questions à Hervé Petit, formateur pro sur la gestion de la couleur auprès des amateurs freelances et professionnels de l’image. Hervé a un palmarès qui fait rêver : 11 ans chez LaCie, 2 ans chez Getty Images, 10 ans chez Bridge Europe. Dans les écrans et la couleur depuis 20 ans, il a commencé à l’époque des Sony Trinitron, quand on était encore en cathodique.

Nous allons ainsi pouvoir mieux comprendre les écrans et choisir le meilleur écran photo pour sa pratique. Cet article n’a pas pour vocation à vous donner les meilleures références du moment, mais vous donne les clés de lecture pour faire le bon choix d’écran.

Pour commencer, doit-on obligatoirement choisir un modèle d’écran dédié à la photo ?

Non, bien sûr, ça va dépendre de votre relation avec la photo. N’importe quel écran est capable d’afficher une image, ensuite, il y a des niveaux d’exigence différents, selon votre pratique.

Pour simplifier, définissons 5 grandes classes d’écran pour cette démarche : le tout venant, bureautique plus, semi pro, graphique et graphique pro.

Ecran tout venant.

Pas de précision, des reflets indésirables, pas de calibrage. Il s’agit des écrans de portable, écrans d’ordinateurs de bureau, de tablettes, votre télé, avec aggravation s’il a plus de 5 ans. Ca suffit pour afficher des selfies ou des photos de votre petite soeur sans se prendre la tête.

Ecran Bureautique Plus (de 300 € à 1000 €)

Dalle IPS, mais brillante, genre iMac, Asus, Dell, qu’on va régler au mieux et calibrer. Il s’agit aussi des meilleures tablettes comme l’iPad Pro, etc…

Dell 24’’ Ultrasharp U2415
Dell 24’’ Ultrasharp U2415

Quelques références : Dell 24’’ Ultrasharp U2415 (sRGB), Eizo 24’’ EV2436 (sRGB), iMacs (sRGB + 10%).

Ecran Semi Pro

Dalle mate IPS, visant au moins 95% de couverture de l’espace de couleur AdobeRGB avec une homogénéité correcte. Il s’agit des gammes budget chez Nec (PA) et Eizo (Flexscan), certains écrans dits “Photo” chez Dell, Asus, etc…

Nec 24" PA242W
Nec 24″ PA242W

Quelques références : Eizo 24” CS2420, Nec 24″ PA242W.

Ecran Graphique (de 699 € à 1600 €)

Dalle mate IPS AHVA ou équivalent avec un rendu homogène, 99% de couverture de l’espace de couleur AdobeRGB, visière anti-reflet, calibrage matériel en sortie d’usine. Dans cette classe, on trouve 3 marques : BenQ (nouvel entrant avec quelques références), Eizo ColorEdge, NEC Spectraview. LaCie et Quato ont quitté ce marché.

BenQ 27" SW2700 PT
BenQ 27″ SW2700 PT

Quelques références : Eizo 24″ CX24,  Eizo 27” CX271 , Nec 27” Multisync PA272-SV2 , BenQ 27″ SW2700 PT (TIPA Awards 2016 – voir la liste complète).

Ecran Graphique Pro (de 1700 € à 2500 €)

Clairement, pour ceux qui n’ont pas de contrainte de budget. On trouve parmi ces écrans la crème des Eizo ColorEdge, NEC Spectraview, Flanders Scientific, etc…

Eizo 27" CG277
Eizo 27″ CG277

Quelques références : Eizo 27″ CG277 , NEC 24” Spectraview Reference 242, NEC 27” Spectraview Reference 272.

Nous reviendrons sur ces différentes classes dans les points suivants.

Quelles caractéristiques rechercher ? Type de dalle, taille, uniformité ?

Je recommande les dalles IPS sérieuses, par exemple AHVA (Advanced Hyper-Viewing Angle). Il s’agit d’une technologie permettant un rendu qualitatif global de l’image, même en regardant l’écran sur les côtés.

Comparatif (sur portable) des différentes dalles TN, IPS et AHVA, notamment en terme d'angle de vision et de fidélité
Comparatif (sur portable) des différentes dalles TN, IPS et AHVA, notamment en terme d’angle de vision et de fidélité

Pour la retouche photo, il faut éviter les dalles TN à tout prix. C’est très bien pour le gaming (bon taux de rafraichissement) et sur des portables (car consomment peu). Si on cherche à vous cacher la technologie de la dalle – style, tout est sur la fiche produit madame… et en face de technologie, on vous indique LCD – c’est probablement du TN. LCD c’est juste tous les écrans. Si vous avez encore un CRT (écran cathodique), il est temps de changer d’écran.

Concernant la taille : évitez les 23”, ou plus petit, il n’y aucune dalle correcte aujourd’hui, on ne trouve que du bas de gamme. Il reste donc les tailles suivantes : 24”, 27”, 32”. Le choix se fera en fonction de la surface dont vous disposez, de votre budget, de votre pratique photo.

Comparatif de tailles d'écran d'ordinateurs
Comparatif de tailles d’écran d’ordinateurs

Une bonne solution pour maximiser l’affichage et votre budget, c’est la config 2 écrans : votre PC + écran bureautique, votre iMac ou votre portable peut probablement piloter un deuxième écran sans soucis. Dans ce cas, on ajoute un écran de la gamme semi Pro, ou un écran graphique qu’on va bien calibrer (avec votre sonde, celle du club, d’un ami) sur lequel on va afficher l’image qui nous tient à coeur, qu’on veut retoucher pour la faire « parler », transmettre son ressenti.

L’autre écran (que vous calibrerez aussi, juste pour réduire le massacre), vous servira pour vos e-mails, réseaux sociaux, les barres d’outils.

Par exemple : l’ordinateur portable avec son écran (TN, yuck!) + écran 24″ ou 27” graphique mat. J’ai un écran de retouche qui reste à son poste. J’ai mon portable que j’emmène avec moi et qui va me servir de « book » pour montrer mon travail. Je peux m’en servir pour faire mes edits, un re-cadrage, ok. Par contre, je ne m’y fie JAMAIS pour les retouches couleur, les détails dans les ombres, la saturation, le contraste.

Le 24” permet l’affichage taille réelle d’un double format A4 plus le pourtour (A3+ si vous préférez).

Le 27”, c’est à peine plus haut, mais on a plus de largeur (donc excellent pour afficher les barres d’outils, etc.) Cela correspond en fait très bien à la vision humaine qui est plus à droite et à gauche que vers le haut et le bas. Le poids des 27″ est descendu en dessous de 10 kg et ils sont aussi robustes que les 24”. Je les déplace pour des évènements, même en métro avec un petit diable. C’est le format que je recommande le plus pour la retouche photo. A 100 ou 120 € de plus qu’un 24” équivalent, je n’hésite pas, je vais sur du 27”.

Le 32” : on se rend compte que les personnes reculent de quelques centimètres lorsqu’elles travaillent sur un 32”. Ils sont un peu plus fragiles, un peu plus lourds, il faut faire plus attention quand on les déplace. Si vous vous déplacez peu et que votre budget le permet, c’est le pied. Les écrans 32” et + grand sont très utiles si vous faites du montage vidéo (voir image ci-dessous, écran PV3200 32” 4K UHD pour la post prod vidéo) et pour les compositions complexes pour les personnes travaillant sur plusieurs images et visuels en même temps. Dans ces cas-là, le temps gagné compensera aisément les 300 € de plus par rapport à un 27”.

écran BenQ PV3200 32” 4K UHD
écran BenQ PV3200 32” 4K UHD

L’uniformité est un élément primordial. Un écran qui a une mauvaise uniformité se repère comme ceci :

  • afficher un gris clair sur toute la surface de l’écran (nouveau fichier dans Photoshop, une image unique avec un gris neutre R=V=B ). Impossible de faire ce test avec un fond d’écran coloré, de nuages, de prairies…
  • en lumière pas trop forte, on regarde : si tout l’écran garde le même gris partout, c’est bon signe. Si un coin est plus sombre, ou la zone du bas de l’écran, c’est mauvais, vendez sur leboncoin de toute urgence.

La raison : lors du calibrage, la sonde ne mesure qu’une petite zone de l’écran et considère que le reste de l’écran se comportera de manière similaire. Si votre écran n’est pas homogène, le calibrage ne peut pas compenser zone par zone (sauf produits haut de gamme à 1000 € et plus).

Les écrans bureautiques sont vaguement homogènes, les bureautiques plus, c’est mieux, mais pas systématique. Au-dessus on commence à bosser.

Quel est le budget pour avoir un bon écran photo ?

Dans la gamme bureautique plus, il y a un très grand choix, mais quasiment aucun écran à finition mate. On trouve des choses autour de 300€, 400€ mais je reste souvent déçu.

Si vous visez un écran 24’’ ou 27’’, avec une dalle IPS mate, une visière anti-reflet, couvrant plus de 95% de l’espace Adobe RGB, il vous faudra compter dans les 700 €.

BenQ est entré dans la danse depuis 2 ans et semble faire bouger les lignes, notamment avec le SW2700PT, un écran 27’’ qui a gagné le TIPA Awards 2016 de meilleur écran photo de l’année. NEC et Eizo ont aussi d’excellents produits, il vous faudra comparer le type de dalle, la finition mate ou pas, la visière fournie ou pas.

Qu’est-ce que le Gamut d’un écran et en quoi est-ce un critère à prendre en compte ?

Le gamut est la capacité d’un dispositif à afficher une gamme, une palette de couleurs.

Avec un gamut sRGB, qui veut dire standard RGB, norme de 1974 pour la télé… on est cohérent avec le JPEG (format compressé, vous le savez) et la publication d’images sur Internet.

Par contre ça va se gâter si vous voulez préparer vos images pour une utilisation presse, papier, affiche, tirage. Le Gamut des imprimantes et des papiers s’étant en plus fortement amélioré ces 10 dernières années, vous bridez vos possibilités, vous castrez votre image en quelque sorte.

Avec un gamut Adobe RGB 98 (datant de 1998, conçu par Adobe pour mieux gérer le passage écran vers le print) on est nettement plus à l’aise pour exprimer les couleurs sur l’écran telles qu’elles peuvent s’imprimer. Il faut savoir que les imprimantes Photo ont bien évolué ces dernières années. N’allez pas sur des A4, le prix des cartouches est prohibitif si vous regardez le prix au litre. On commence à avoir des choses intéressantes avec les A3+. Chez Epson, mais aussi chez Canon avec vraie montée en puissance avec les Pro 1/100/1000. HP a des solutions intéressantes, mais semble délaisser le marché Photo.

Faut-il opter pour un écran à large gamut si l’on fait de la photo ?

Large Gamut, ce n’est pas une définition claire, c’est une annonce commerciale qui recouvre une réalité différente d’une marque à une autre. Que considèrez-vous comme Large Gamut, Wide Gamut, et donc ceux qui n’y sont pas ils sont quoi ? Small Gamut, Narrow Gamut. Je préfère regarder la couverture en % de sRGB ou de Adobe RGB, j’ai un élément de mesure que je peux vérifier. Large Gamut c’est du vent.

Ecran mat ou brillant ?

Assurément, mat pour deux raisons. Le mat réduit les soucis de reflets indésirables. Cela réduit aussi la fatigue oculaire. Mat + visière anti-reflet c’est encore mieux. Brillant + visière anti-reflet, ok, mais c’est un peu un emplâtre sur une jambe de bois. La finition mate permet également de mieux simuler le rendu papier.

Comparaison écran brillant à gauche et mat à droite / Photo Pc4u
Comparaison écran brillant à gauche et mat à droite / Photo Pc4u

Mais alors, pourquoi tant d’écrans brillants sur le marché ? Pourquoi les tablettes sont-elles toutes brillantes (certaines liseuses sont mates, faiblement lumineuses. elles émulent le papier) ?

La réponse est commerciale : un écran brillant est plus flatteur, donc il fait vendre parce que l’acheteur non informé (désolé, vous l’êtes maintenant) va trouver l’image plus plaisante/flatteuse/vivante sur un écran brillant que sur un écran mat. Les tests le prouvent.

On entend parler de technologie 4K, est-ce qu’un écran 4K est une bonne chose pour la photo ?

4K, c’est une résolution, c’est plutôt une problématique cinéma. Si vous avez un boitier reflex et que vous montez de la vidéo ou envisagez de le faire, c’est un bon choix.

Je fais quelques photos, des retouches et partage mes photos en ligne, quel type d’écran dois-je choisir ?

Vous devriez disposer d’un écran de la gamme Bureautique plus au minimum, ou bien portable + un écran mat en deuxième écran.

Attention, il y a retouche et retouche. Le re-cadrage, l’utilisation d’effets faciles grand public (genre sépia, “optimiser”, ajouter lunettes, moustaches…) ne nécessitent pas un écran précis. On peut « faire parler » une image avec très peu de moyens. Un smartphone et un écran médiocre feront l’affaire. Pas besoin d’un reflex, ni même d’un bridge.

Si vous avez investi dans un reflex, même d’occasion ou un boitier hybride + des optiques ou un peu d’éclairage, dommage de ne pas voir le résultat de vos prises de vue en détail. Un écran “trop court” bride votre travail à la prise de vue. Par exemple, si vous voulez voir les détails dans les hautes et basses lumières – cette photo de concert ou le chanteur est en pleine lumière mais je voudrais aussi voir si j’ai du détail au niveau du batteur et du bassiste qui sont dans l’ombre – vous ne les verrez qu’avec un écran correct. L’écran plus sérieux révèlera aussi les soucis de votre image et vous permettra de faire progresser votre pratique de la photo.

Je fais souvent des tirages photo sur papier fine-art, quel type d’écran dois-je choisir ?

En fonction du budget et du niveau de précision que je recherche, je m’orienterai vers les gamme Semi Pro, Graphique ou Graphique Pro.

L’ ergonomie va avoir son importance aussi. Suivant votre pratique de la photo. Rotation, hauteur, débattement, pivot entre mode portrait et paysage, poids. Ai-je accès aux boutons de réglage sous l’écran ou avec une télécommande simple ? L’écran est-il livré avec une visière anti-reflet ou bien faudra-t-il l’acheter séparément ? Regarder également la facilité démonter et remonter l’écran et éventuellement la visière anti-reflet, si on se déplace.

Et le calibrage dans tout ça ? A quoi cela sert-il et comment s’en sortir facilement ?

Le calibrage ou profil d’écran est réalisé avec :

Après le calibrage, un profil d’écran est créé. Ce profil est spécifique à l’écran qu’on mesure.

Attention, voici une erreur courante à éviter. sRGB, AdobeRGB 98 mais aussi ECI RGB, Profoto RGB sont des espaces de couleur, théoriques, des références en quelque sorte. Rien de grave, mais il ne faut pas mélanger le profil d’un dispositif lumineux (écran , boitier, scanner, vidé projecteur) ou d’impression qui est spécifique à l’appareil mesuré (il prend en compte cette unité-là, son âge, ses défauts) avec un espace de couleur, qui est une norme.

On peut par contre comparer un profil d’écran après un calibrage avec un espace de couleur. C’est pour cela qu’on va parler d’un écran capable de couvrir 99% de l’espace AdobeRGB 98. Par contre si cet écran en est capable, encore faut-il que les conditions de lumière et d’éclairage de la pièce soient satisfaisantes et que l’utilisateur ai bien calibré l’écran.

Calibrer son écran aujourd’hui c’est 3 minutes, 3 clics, 1 fois par mois.

Les bénéfices sont triples :

  • Des couleurs justes, moins flatteuses, sans exagérations.
  • Une augmentation de la durée de vie de votre matériel (il émet moins de lumière, il est plus économe)
  • Une réduction de la fatigue oculaire (moins lumineux & moins de lumière bleue)

Participer à un atelier « calibrage écran » ou « la couleur pour les photographes » est une bonne idée pour en savoir plus.

Merci à Hervé Petit et Digit-Photo pour ces conseils utiles pour choisir un écran photo.