La jeune photographe Fiona Filipidis est avec nous cette semaine pour nous parler de photographie documentaire et de sa série photo Grandad pour laquelle elle est retournée sur les terres de son grand-père disparu afin de photographier son absence.
Les photos de Fiona Filipidis sont exposées à Inner’Art, un nouveau salon d’art contemporain à Paris qui ouvre ses portes ce jeudi 21 mai jusqu’au 24 mai 2015.
Sommaire
- Avant tout, présente-toi en quelques mots
- Depuis quand fais-tu de la photo, quelles ont été les étapes importantes pour toi dans ton apprentissage ?
- Tu t’es rapidement orienté vers la photographie documentaire. Qu’est-ce qui t’attire le plus dans cette pratique ?
- Ton premier projet s’appelle Grandad dans lequel tu photographie la disparition de ton grand-père Jim décédé il y a quelques années. Comment photographier l’absence ?
- Est-ce la photographie est ici pour toi une sorte de traitement, une manière de faire le deuil ?
- Dans ta série « The Streets », les rues brillent aussi par l’absence de passants. Qu’as-tu voulu montrer ?
- Quel matériel photo utilises-tu ?
- Qui sont les photographes ou artistes qui t’inspirent ?
- Quel(le) photographe aimerais-tu que l’on interviewe ?
- Le mot de la fin
Avant tout, présente-toi en quelques mots
J’aimerais dire que je suis une grande aventurière. Je le suis dans l’âme, en tout cas !
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Depuis quand fais-tu de la photo, quelles ont été les étapes importantes pour toi dans ton apprentissage ?
J’ai toujours été attirée par l’objet, sans forcément savoir comment m’en servir ; petite, mon frère m’interdisait de prendre les photos parce que selon lui j’étais trop nulle (mes photos étaient très bancales et très floues, je l’avoue). Peut-être est-ce que j’essaie toujours de lui prouver le contraire… Mais plus sérieusement, depuis 2007 pour mon bac d’art, où j’utilisais la photographie et la vidéo pour presque tous mes projets. Cela m’a amenée à intégrer une école d’art en Angleterre, Farnham University for the Creative Arts, pendant un an, et ensuite Icart Photo à Paris pendant trois ans. Maintenant je me suis jetée dans le grand-bain et je patauge ! Mais j’ai des objectifs en tête et je veux absolument les réaliser.
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Tu t’es rapidement orienté vers la photographie documentaire. Qu’est-ce qui t’attire le plus dans cette pratique ?
Raconter une histoire, emporter le « regardeur » vers l’inconnu, lui montrer ce qu’il n’aurait peut-être pas eu la possibilité de voir de ses propres yeux. Et d’un point de vue personnel, partir à la découverte. C’est un peu un jeu d’enfant en fait, ne pas savoir où l’on va mettre les pieds, ne pas voir ce qui se cache derrière le mur.
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Ton premier projet s’appelle Grandad dans lequel tu photographie la disparition de ton grand-père Jim décédé il y a quelques années. Comment photographier l’absence ?
Par l’émotion que l’on éprouve pour cette personne disparue, je pense. Je le voyais seulement quelques fois par an, et je n’étais jamais très loquace avec lui, donc je me dis que c’était peut-être un devoir, mais surtout une envie, de partir à la découverte de cette vie que je ne connaissais pas. J’ai commencé en photographiant ses objets, sa maison, son jardin, des choses concrètes qui lui appartenaient.
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Des choses qui le rendaient encore vivant. Les paysages des Highlands écossais, en revanche, reflètent toutes les émotions que j’ai pu ressentir. C’est très difficile à expliquer, mais je le vois dans chacune de mes photos, donc il n’est pas forcément absent à mes yeux…
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Est-ce la photographie est ici pour toi une sorte de traitement, une manière de faire le deuil ?
Absolument. Etre chez mes grands-parents et qu’il ne soit plus là, c’était très perturbant. Il m’a fallu un temps pour l’accepter, et errer dans cette maison, que je connaissais par cœur, en prenant des photos de tout ce que je voyais, m’a beaucoup aidé. Et puis je suis allée en Ecosse finir ce projet avec ma mère, c’était vraiment une sorte de pèlerinage familial, afin d’accepter le fait qu’il ne soit plus là. J’y ai beaucoup appris sur mon grand-père, sans forcément avoir plus de faits à ma disposition. Le simple fait d’être là-bas, emmêlées dans ces paysages, était incroyablement apaisant. Bizarrement, je ne me suis jamais sentie aussi proche de lui.
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Dans ta série « The Streets », les rues brillent aussi par l’absence de passants. Qu’as-tu voulu montrer ?
Londres est une ville bourdonnante. Mais je ne m’y suis pas toujours sentie très bien (même en étant à moitié anglaise !) Trop de monde, trop de bruit. Et puis j’y suis retournée récemment, et je m’y suis sentie comme à la maison. J’y étais en bonne compagnie, mais ce n’était pas que ça. Ces photos sont purement des photos de mes déambulations, mais reflètent mes états d’âme à ces instants. On dirait que la ville est vide ; j’aimerais bien voir ça en vrai un jour !
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Quel matériel photo utilises-tu ?
Un Canon 5D Mark II avec un 50mm f/1.4 et un 24-70mm f/2.8. Ou un vieux Nikon FM avec un 50mm f/1.8. Ou un appareil jetable, toujours dans mon sac, on ne sait jamais…
Quels sont tes prochains projets photo ?
Je voudrais aller aux Etats-Unis faire un reportage sur les réserves indiennes. Mais je suis récemment tombée sur un excellent projet mené par deux femmes qui font exactement ça ! C’est toujours ça le soucis, trouver un sujet qui n’a pas encore été traité… Même si tout a déjà été fait ! Mais je vais y aller, et je vais faire ça à ma sauce.
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Qui sont les photographes ou artistes qui t’inspirent ?
Je dis toujours Martin Parr, même si on m’a souvent dit que c’était cliché. C’est étrange parce que ses photos sont toujours pleines de monde, et les miennes sont souvent vides. J’admire son apparente facilité à rentrer de très près dans l’intimité des gens qu’il croise. Je suis également tombée sur les photos de Ruben Brulat il y a quelques temps, et j’ai été magnétisée par la beauté de la simplicité de ses clichés.
Quel(le) photographe aimerais-tu que l’on interviewe ?
Kalpesh Lathigra, un photographe anglais qui a aussi fait une série sur une réserve indienne dans le Dakota du Sud, Lost in the Wilderness. Je trouve ses photos magnifiques. Et il me faut un maximum d’informations pour mon propre projet ! (Je rigole.)
Le mot de la fin
Peace !
Merci Fiona d’avoir répondu à nos questions.
Vous pouvez retrouver les photos de Fiona Filipidis sur son site. Fiona expose du 21 au 24 mai 2015 quelques photos de sa série Grandad au Salon Inner’Art.