© Romain Veillon

Interview de Romain Veillon, photographe explorateur urbain

Cette semaine, Romain Veillon répond à nos questions. Expert dans la photographie urbex (ou exploration urbaine) qui consiste à photographier des endroits abandonnés pour leur redonner vie, il voyage pour découvrir ces lieux désertés et abandonnés, souvent en ruines, et quelque fois bien conservés. Découvrez son interview.

Avant tout, présente-toi en quelques mots

Je m’appelle Romain Veillon, j’ai 31 ans, je travaille et vis à Paris, et je suis passionné de voyage et de photographie depuis tout petit.

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Depuis quand fais-tu de la photo, quelles ont été les étapes importantes pour toi dans ton apprentissage ?

La photographie m’a toujours fasciné, et c’était pour moi une manière d’immortaliser certains voyages mais plutôt en mode reportage — pour garder une trace de ce que je vivais. Puis avec l’exploration d’endroits abandonnés et la découverte du travail de certains photographes, une dimension plus artistique est apparue. Je n’ai pas de formation académique, donc chaque sortie était l’occasion d’apprendre et de progresser. Je me suis aussi nourri des conseils de personnes m’entourant et du travail d’autres photographes à mes débuts.

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Au fil du temps tu t’es spécialisé dans l’urbex. Qu’est-ce qui t’attire dans cette pratique photographique ?

Ma fascination pour les endroits abandonnés remonte à l’enfance. Comme beaucoup de gens j’imagine, la découverte de la maison en ruine du bout de la rue est un souvenir que l’on a chacun au fond de nous. Lorsque je découvre un lieu de ce type, mon premier réflexe est d’essayer d’imaginer quelles histoires se cachent derrière les vestiges qui restent, comment le lieu vivait et les raisons qui ont amené l’endroit à être déserté par l’être humain. L’esthétique que je ressens est très importante et retranscrire cette impression est ce que j’essaie de faire de mon mieux.

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Ces endroits sont comme des voyages dans le temps où l’on peut se promener et avoir sous les yeux des bribes de vies passées. Avec le temps s’est aussi ouvert plus de possibilités quand à la localisation de ces lieux. Et comme voyager a toujours été primordial à mes yeux, cela me permet de partir et d’aller à la rencontre d’une culture ou d’une région par un biais un peu plus original que ceux de d’habitude. Ce qui n’empêche pas non plus un tourisme plus classique lorsque je voyage !

Quel fut ton premier lieu d’exploration ?

Il s’agissait des entrepôts et bureaux de l’entreprise de mes grands parents où j’avais l’habitude de me promener chaque été quand j’étais jeune. Je cherchais à comprendre ce qui se passait là autrefois et comment les gens vivaient à l’époque. De nombreux souvenirs étaient encore présents et m’aidaient à mieux découvrir l’histoire familiale. C’était un terrain de jeu infini pour un enfant.

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Pour ta série « Les sables du Temps », tu as visité la ville ensablée de Kolmanskop en Namibie. Qu’est-ce qui t’a fait découvrir ce lieu et qu’as-tu ressenti sur place ?

En effet ! J’avais vu un reportage de National Geographic sur cet endroit qui m’avait fasciné et je m’était promis un jour de le visiter. Puis, je l’ai revu dans le film Samsara (suite du film Baraka) que je conseille vivement et qui m’a convaincu de me rendre sur place pour tenter de capturer l’atmosphère incroyable de ce lieu. J’ai ainsi pu rester une semaine à me perdre dans ce village complètement irréel. On a vraiment l’impression d’être perdu dans une bulle hors du temps. Cela restera une magnifique expérience pour moi.

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Tu as également exploré Buzludzha, cette oeuvre titanesque perdue en plein centre de la Bulgarie. Comment as-tu vécu cette expérience ?

Oui, j’ai eu cette chance ! J’ai profité d’un voyage à Budapest pour m’y rendre, donc j’étais seul lors de ce voyage. Et c’est un sentiment assez unique et extraordinaire de rentrer pour la première fois dans ce gigantesque « vaisseau spatial » qui trône sur une montagne en plein milieu de la campagne bulgare.

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On se sent très petit, un peu écrasé par le poids et l’histoire de cette œuvre qui représente parfaitement la démesure du Soviétisme à l’époque ; surtout lorsque l’on est seul plusieurs journées à l’intérieur. Pour la petite histoire, la construction de Buzludzha a duré sept années, couté une fortune colossale et a nécessité l’effort de plus de 6 000 travailleurs. Pour qu’au final, avec la chute du communisme en 1989, le bâtiment ne serve qu’à de rares occasions !

Te sens-tu privilégié en explorant des lieux de cette envergure ?

Oui c’est le premier sentiment qui prévaut quand je pénètre dans ce genre d’endroit, l’impression d’être un témoin privilégié. Et cela que ce soit pour un bâtiment historique et unique comme Buzludzha ; ou pour une simple maison perdue au milieu de nulle part. Chacun possède une histoire propre qui est vouée à disparaitre. C’est un peu comme visiter un musée où plus personne n’est entré depuis des années. J’essaie d’en profiter le plus possible, car par définition, ces lieux peuvent disparaitre du jour au lendemain.

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Quel matériel photo utilises-tu lors de tes explorations ?

Le matériel de base : appareil photo Nikon D800, objectif grand angle pour prendre la mesure de l’immensité des lieux visités, 50mm, trépied, cartes mémoires et batteries de secours, gants, lampe torche, bouteille d’eau… Rien de très original !

Quels conseils donnerais-tu à un photographe souhaitant se mettre à la photographie urbex ?

Concernant la partie photographique, je ne me vois pas donner de conseils aux autres, tant que leur travail leur apporte du plaisir, c’est ce qui compte réellement, peu importe les avis extérieurs.

Par contre, j’insisterai sur la dangerosité des endroits visités et sur l’absolue nécessité d’être prudent et de ne pas prendre de risques inutiles. Ainsi que l’importance de respecter les lieux visités pour les laisser dans le même état que lorsqu’on est entré et que d’autres puissent en profiter. S’intéresser à l’histoire dudit lieu quand cela est possible aide toujours à se sentir plus concerné par sa visite.

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Quels sont les sujets qui te plaisent actuellement, et sur quoi travailles-tu ?

J’ai constaté dernièrement que de plus en plus de gens s’intéressaient au sujet. Cet effet de mode a pour moi comme origine l’incertitude que nous ressentons face au futur. Que ce soit avec les problèmes environnementaux, les conflits armés ou bien le terrorisme. La conséquence étant qu’il y a une envie de voir à quoi ressemblerait le monde s’il était vidé de ses habitants, et en particulier comment la nature reprend le dessus sur les constructions humaines, ce qui est le sujet sur lequel je me concentre actuellement.

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Aujourd’hui, j’étends mes recherches à des pays plus lointains. Je prépare plusieurs voyages en Europe et un autre plus important en Amérique latine que j’effectuerai cet été j’espère. Cela demande beaucoup de temps de prospection pour trouver les endroits que je pourrais peut être photographier lors de mes vadrouilles, mais cela permet aussi de mieux comprendre l’identité d’une région et ses origines.

Qui sont les photographes ou artistes qui t’inspirent ?

C’est assez compliqué de répondre à cette question car même s’il y a énormément d’artistes que j’aime et qui sans doute inconsciemment m’inspirent, je n’essaie pas de copier ou de me rapprocher d’un style. J’imagine que c’est plus un ensemble de goûts personnels qui m’influence dans mon travail. Je parle souvent de Turner et des ses incroyables peintures d’abbayes en ruines que je trouve splendide.

Dans les photographes, un peu pêle-mêle, Polidori, Marchand & Meffre bien entendu, et sur un plan plus général, Sebastiao Salgado, Robert Capa, Dorothea Lange, Helmut Newton, Richard Avedon, René Burri, Andreas Gursky… Par contre, ca va être un peu long de citer les artistes en général qui m’inspirent !

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Quel photographe aimerais-tu que l’on interviewe ?

Sebastiao Salgado ! Ses photographies me fascinent, comme son parcours, son approche et sa façon de percevoir l’environnement qui l’entoure. C’est un peu facile comme réponse je sais mais il m’est difficile de répondre autrement !

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Le mot de la fin

L’important c’est le voyage, pas la destination ! La photographie est un aboutissement mais il ne faut pas oublier tout ce que cela apporte à coté. Rencontres, paysages, culture…. Toutes ces petites choses essentielles qui rendent la photographie passionnante. Soyez curieux et n’hésitez pas à sortir des sentiers battus. Merci encore pour l’interview !


Vous pouvez continuer l’exploration en retrouvant le travail de Romain Veillon sur son site ainsi que sur Facebook et Twitter.